Émile Pierre TAILLEFER (1894/1918)

infirmier en 1915

mitrailleur en 1917

Fils de Emile Félix Arthur Pierre, né à Trèbes, et de Maria CÈBE née à Pexiora, Emile Pierre TAILLEFER est né le 8 mai 1894 à Sérignan dans le département de l’Hérault, où son père était installé pharmacien. Il semble s’être installé (il a 31 ans) à Sérignan vers 1893. Il est l'aîné d'une fratrie de 3 garçons.

 

Ses parents viennent s’établir à Carcassonne en 1897. Le jeune Emile Pierre vivra toute son enfance et son adolescence à Carcassonne. Ses parents y sont encore domiciliés en 1914, rue de la Gare au n°29, au-dessus de la pharmacie

 

Émile Pierre est étudiant en 2ème année de pharmacie à Montpellier, lorsqu’il s’engage.

 

Il décède le 23 avril 1918 à Bezonvaux, au nord-est de Verdun, dans la Meuse, Il avait 23 ans.     


 

Faisant ses études à Montpellier, Émile Pierre ne se rend pas à la convocation pour le conseil de révision et il est noté «absent». Bien que faible, en son absence, il est déclaré apte et son n° matricule est le 795/Carcassonne 1914.

 

Apparemment sursitaire, il s’engage quelques semaines après la déclaration de guerre, le 4 septembre 1914 à la mairie de Carcassonne pour la 16ème Section des infirmiers militaires.

 

La 16ème section d’infirmiers militaires est affectée au 16ème corps d’armée (31ème et 32ème division).

 

 

On sait peu de chose sur ses affectations. Il appartient probablement à un hôpital de campagne divisionnaire qui suit les divisions dans ses déplacements: la première bataille d’Ypres durant l’automne et l’hiver 14/15, la première bataille de Champagne durant le printemps et l’été 1915, la seconde bataile de Champagne durant l’automne et le début de l’hiver 15/16, et dans l’Aisne au printemps 1916.    

Hôpital de campagne

 

Probablement à sa demande, car l’homme est vaillant, il est affecté, le 9 avril 1916, dans un régiment combattant. Ce sera le 139ème Régiment d’infanterie (curieuse affectation pour un audois, car ce régiment a tiré sur les vignerons manifestants à Narbonne en 1907).

 

Le 139ème R.II tient habituellement garnison à Aurillac (Cantal), d’ailleurs son dépôt y est resté. Il appartient à la 52ème brigade (26ème division, membre du 13ème Corps d’armée)

 

Passe-t-il quelques semaines en formation à Aurillac, ou rejoint-il directement le front ? Le Journal des marches et opérations (J.M.O.) signale le 11 avril l’arrivée d’un contingent de renfort. Le régiment est en ligne à partir du 27 avril entre Ribécourt, Bailly, Tracy-le-mont, Quennevières (Oise). Il est relevé le 2 juillet et va au repos.

 

 

Après de nombreux déplacements, le régiment va relever, dans la nuit du 1er au 2 septembre, le 92ème R.I. dans le secteur sud de Lihons (Somme), face à Chaulnes qui se trouve à quelques encablures. Une attaque est prévue le 4 .   


 

L’ennemi s’obstine sur Verdun, il faut absolument disperser ses efforts en frappant un grand coup sur un point sensible. La 26ème D.I. rattachée au 10ème C.A., pour ces opérations de la Somme est placée au centre du dispositif. Dans les tranchées, dans les boyaux, c’est un amas de débris et de matériel, des abris défoncés, des places d’armes éboulées, c’est surtout la boue inoubliable où s’ensevelissent à moitié les corps des hommes et contre laquelle il faut déjà lutter.

Dès le 4 à 14h, les vagues franchissent successivement la première ligne sans flottement, sans défaillance; les pertes sont nombreuses, surtout parmi les officiers. Cependant un fortin allemand au centre de l’attaque n’a pu être réduit; ses mitrailleuses infligent aux vagues qui avancent, à celles qui le dépassent, aux blessés même, des pertes sensibles.

La nuit est tombée, les liaisons s’établissent  péniblement, les listes de tués et de blessés s’allongent dont 20 officiers; c’est le moment le plus pénible depuis le début de l’action; la pluie tombe à verse, les corvées de ravitaillement n’arrivent pas, les hommes s’enlisent dans la boue et s’égare dans la nuit sans lune. Cependant le fortin tient toujours, le jour va  venir, il faut absolument le réduire; c’est à la 2ème compagnie qu’incombe la tâche. Le sergent opère par combats de boyaux; les grenadiers énervés  par la résistance voient à chaque instant, tomber un des leurs sous les balles du fortin. Le sergent prend alors le revolver d’un aspirant tué, franchit le barrage et tue deux hommes; son audace donne l’élan décisif; il sort des hommes de partout. Au petit jour, profitant d’un instant où les Allemands s’étaient mis à l’abri d’une pluie torrentielle, un caporal bondit avec ses hommes et par son attitude résolue obtient la reddition des adversaires: 1 officier, 80 hommes et 6 mitrailleuses sont pris. Pendant cette affaire, la 26ème D.I. atteint tous ses objectifs. 

Le 139ème mérite une citation à l’ordre du jour du 10ème C.A. qui sera transformée en une citation à l’ordre de l’Armée :

« Le 4 septembre 1916, …, le 139ème s’est porté à l’attaque dans un ordre parfait, a enlevé … malgré le violent bombardement, six lignes ennemies de tranchées, sur lesquelles il s’est installé définitivement après avoir réduit brillamment plusieurs îlots, fait plus de 250 prisonniers, et s’être emparé d’un matériel … important, dont plusieurs mitrailleuses et une dizaine de canons de tranchées. »

 

Après 3 semaines de combat incessant, le régiment est enfin relevé le 26 septembre et part au repos et à l’instruction. Puis après quelques jours l’alternance front/cantonnement reprend jusqu’au 28 novembre. Après plusieurs semaines de cantonnement en cantonnement, on retrouve le régiment au camp de Neufchâteau (Vosges) à compter du 30 décembre. Il le quitte le 17 janvier 1917. 

Une image de l'assaut du 4 septembre, face à Chaulnes


Le 139ème R.I. retourne dans l’Oise dans le secteur de Marest/Matz, Elincourt où on le retrouve en janvier/février/mars 1917 sur les hauteurs de Thiescourt. Il est mis à la disposition du Génie, pour réaliser des nombreux travaux de fortification et participe à la défense mais aussi à des attaques dans le secteur. Les allemands contenus à Verdun et vaincus sur la Somme, opèrent le grand repli “dit stratégique”, qui conduit le 20ème D.I. suite à des avancées fulgurantes jusqu’aux abords immédiats de St-Quentin. Le contact est repris sur la ligne Hindenburg.  

 

Le 3 avril, le 139ème a pour mission de s’emparer de la côte 108, devant Seraucourt-le-Grand;  c’est le 1er bataillon, renforcé en cours d’opération par le 2ème bataillon, qui en est chargé. L’attaque d’abord arrêtée par les feux de mitrailleuses provenant de la côte 108 reprend sous la protection des tirs d’artillerie et atteint son objectif. 


Le 15 avril, le régiment relève le 121ème  dans le secteur de Pire-Aller, Moulin-de–Touvent, et reçoit le 18, après un violent bombardement, trois attaques convergentes sur un saillant du secteur Pire-Aller. Contenus à la grenade, les assaillants ne parviennent à pénétrer que dans quelques éléments de tranchées lorsque les défenseurs ont épuisé leur approvisionnement en grenades. Mais aussitôt ravitaillée, la 10ème compagnie du 3ème bataillon (celle d'Émile Pierre, s'il a été affecté dès le début à celle-ci), et une section de la 11ème cie, contre-attaquent. Le terrain est repris intégralement. 

Le régiment est relevé dans la nuit du 20 au 21 avril. Il va cantonner à Artemps puis le 24 il se porte sur Guiscard.

 

Le 15 mai, il relève la 183ème brigade britannique dans un secteur plutôt calme. Il consacre son temps à des travaux de défense. Le régiment est relevé dans la nuit du 13 au 14 juillet et va cantonner à Nesle et à Languevoisin.


La fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre est conférée au 139ème Régiment d’infanterie. Cette suprême distinction est fort appréciée par tous nos braves soldats, selon l'historique du régiment.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les combattants payent un lourd tribut pour cette victoire: 26 tués, 138 blessés, 2 intoxiqués et 2 disparus pour le 1er bataillon et 39 tués, 98 blessés 8 intoxiqués et 2 disparus pour le 3ème bataillon.

 

Le 7 août, il est dirigé sur Foucancourt/Thabas, puis sur Bethelainville. Le 20 août, le 139ème a pour mission de s’emparer de la côte 304. Les mouvements des bataillons se font sous de violents tirs de barrage; le débordement de la côte 304 n’ayant pu être complètement réalisé, l’attaque reprend le 24. Le 1er bataillon s’empare de l’ouvrage du Peyrou, malgré le bombardement d’une extrême violence par obus ordinaire et par obus toxiques. Des reconnais-sances dépassent même largement les objectifs et poussent jusqu’au village de Haucourt.

 

 

A la suite de cette affaire,  le Général commandant la 11ème Armée  cite à l’ordre de l’Armée le régiment: « A  participé de façon… brillante… à l’enlèvement  de la côte 304, le 20 août, en appuyant de la région du Peigne l’encerclement  progressif…malgré la violence du bombardement et en exerçant une action de refoulement sur le  front ennemi, le 24 août en enlevant l’ouvrage du Peyrou et ses avancées jusqu’au village d’Haucourt, dépassant ses objectifs, tandis qu’un de ses bataillons étayaient la droite… de la Division et contribuait à la progression vers l’ouvrage de Lorraine. A montré ainsi au même degré les qualités de ténacité et d’allant qui caractérisent une troupe d’élite et assurent le succès final. »


 

 

 

 

 

 

Par la suite durant les mois de septembre, d’octobre, de novembre et ce jusqu’au 21 décembre, le régiment occupe les tranchées du Bois (Mont) des Allieux au sud de la butte de Vauquois)

 


 

 

 

A partir du 22 décembre 1917, les hommes sont mis au repos, à l’instruction et aux travaux dans la région de Verdun. Le 5 février 1918, Émile TAILLEFER est nommé caporal-mitrailleur affecté à la 10ème compagnie (3ème bataillon). Était-il attaché à cette compagnie avant ?.

 

Quelques mois avant durant la  période où le régiment se trouve devant Vauquois, Émile Pierre est cité à l'ordre de la Brigade n°82 : «Soldat très dévoué et très courageux. S'est fait remarquer par sa belle attitude sous le feu au cours des derniers combats en date du 12 septembre 1917»

On ne trouve pas dans le J.M.O. (très succinct de relation des faits ainsi honorés.

 

 Il sera décoré de la Médaille militaire et de la Croix de guerre  


 

 

Dans la nuit du 23 au 24 avril 1918, le caporal Émile Pierre TAILLEFER de la 10ème compagnie (3ème bataillon) est tué «accidentellement» ? (est-ce à dire par un soldat français ?) par balle, en sortant de son abri pour se rendre au P.P. (Petit Poste : Poste avancé)    

 

 

Il décède officiellement le 23 avril 1918  (il a 23 ans), tué à l'ennemi  sur le territoire de la Commune de Bezonvaux dans la Meuse (55)

Mort pour la France

 

 

Son acte de décès sera transcrit le 3 septembre 1918 dans les registres d'état-civil de la commune de Carcassonne (Aude)

 

 

 

D'abord inhumé au cimetière des casernes Marceau à Verdun – son corps sera restitué à la famille le 9 juillet 1922 pour être inhumé à Trèbes dans une tombe familiale du cimetière communal.

 

 

 

Entre le 6 et le 9 février, la 25ème D.I. est relevée; elle est remplacée par la 26ème D.I. (92ème, 105ème, 121ème et 139ème RI) qui reste dans le secteur de Bezonvaux jusqu'en avril.

 

Le 7 février, le 3ème bataillon, celui d’Émile TAILLEFER, est affecté en première ligne au secteur du ravin de la Fausse-côte (Vaux).

 

C'est une période longue et difficile pour la 26ème division. Les coups de main adverses à peu près quotidiens imposent aux Français une vigilance soutenue. En particulier, le 139ème R.I. subit plusieurs tentatives, arrêtées par le déclenchement de feux nourris. Une témoignage décrit la situation : « L'existence y est si rude, l'atmosphère si empestée par les obus toxiques et principalement par l'ypérite, les coups de main de l'ennemi si fréquents et si violents, les bombardements si sévères, qu'il n'est pas possible de laisser les divisions plus de 40 ou 45 jours dans ce redoutable secteur de Bezonvaux. Les circonstances vont exiger que la 26ème division le tienne pendant 3 mois. Dès l'arrivée, tous sont frappés par l'aspect de désolation de cette région nord de Verdun. Quelle impression de ruine, de dévastation, d'anéantissement de toutes choses ! Des belles forêts …, pas une trace ne reste, sauf, de-ci de là, quelques troncs d'arbres calcinés et tordus, lamentables et noirs, dont le plus haut n'atteint pas 1 m. Le terrain est bouleversé, d'un aspect général jaunâtre; il est couvert de cratères jointifs, si nombreux, si serrés, qu'il est impossible de découvrir la moindre place qui n'ait pas été affouillée par un obus. Qui dira cet aspect terrifiant de désolation et de mort de ces ravins. Ce sont partout des débris de toute sorte, fils de fer tordus et enchevêtrés, obus et grenades non éclatés, épars un peu partout et si nombreux qu'on ne peut creuser un boyau ou une tranchée sans en déterrer quelqu'un. Beaucoup de tués ont été enterrés à même le parapet, peu profondément par manque de temps; l'érosion produite par les pluies les a peu à peu découverts. Des pieds avec des restants de souliers, ou le squelette d'une main, sortent de la paroi, semblant vouloir vous arrêter au passage... Le secteur, dévolu au régiment, est particulièrement dur... Aucun mouvement n'est possible de jour; les ravitaillements de toute sorte ne peuvent être effectués que de nuit, à travers un terrain chaotique où hommes et mulets glissent et tombent ô chaque pas, sur les pistes systématiquement battues au canon et à la mitrailleuse, et à travers les ravins où les obus à l'ypérite entretiennent méthodiquement une atmosphère empoisonnée. A Bezonvaux (le village), dont il ne reste que quelques pierres, les sections de garde blotties dans les caves à moitiés remplies d'eau ne peuvent, de jour, mettre le nez dehors... L'ensemble de la position constitue le terrain classique des coups de main de l'ennemi, faciles à réussir en raison du peu de distance séparant les lignes adverses, de la position dominante de l'adversaire et de l'impossibilité de faire le vide dans le terrain attaqué, par suite de cette autre impossibilité qu'est la traversée du ravin des Rousses sous le violent tir d'encagement qui y est régulièrement dirigé pendant l'exécution des coups de main. II y en a régulièrement un par semaine, quelquefois deux ; ils réussissent chaque fois, a-t-on dit aux nôtres à leur arrivée dans le secteur ».

 

Le 23 février le 2ème batailon est affecté à la défense du bois Fumin (au sud du ravin de la Fausse-côte, à proximité du fort de Vaux)

 

Dans la nuit du 4 au 5 mars, le 3ème bataillon relève le 2ème bataillon dans le C.R du Hassoule.

 

Les changements de postion et les relèves se poursuivent sans cesse.

 

 

Le 18 avril, le 3ème bataillon relève le 1er bataillon, dans le camp retranché (C.R.) de Bezonvaux. Les bombardements, les coups de main sont permanents.  



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le nom d'ÉMILE PIERRE TAILLEFER apparaît :

- à Carcassonne sur les Plaques commémoratives du square de l’Armistice. >>                

- à Trèbes, sur le Monument aux Morts et sur les différentes plaques commémoratives

 

 

- mais également à Montpellier sur les Plaques commémoratives de la faculté de pharmacie et sur le Livre d'Or 1914-1918 des pharmaciens et étudiants en pharmacie.