Gabriel Joseph TARGAN 1891/1914

Fils de Guillaume, cultivateur, et de Rose PISTRE, Gabriel Joseph TARGAN est né le 21 février 1891 à Villasavary, un village à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Carcassonne. Des parents se sont probablement installés à Trèbes vers 1908. Ils sont ouvriers agricoles, cultivateur au Domaine de Saint Julien, chez le Comte d'André. Gabriel embrasse le même métier.

Lors du conseil de révision de sa classe, en septembre 1911, à Capendu, il est déclaré  apte, et son n° matricule au recrutement est le 332/Narbonne 1911.

Pour son service militaire, le 1er octobre 1912, il est affecté au 4ème régiment de chasseurs d'Afrique (cavalerie) stationné en Tunisie, où il arrive le 14 octobre. Il y reste 6 mois comme élève ordonnance. Il passe au 4ème régiment de zouave le 15 août 1913 toujours en Tunisie. Le 22 novembre 1913, il est affecté au 16ème escadron du Train, peut-être dans les compagnies affectées en Tunisie. Il passe enfin au 8ème régiment de tirailleurs tunisiens le 29 avril 1914

 

Bon soldat il sera nommé au grade de caporal, quelques jours avant sa mort.

 


A la mobilisation, il est intégré dans le régiment de marche du 8ème Tirailleurs R.M.T. (38ème D.I.) qui fut formé avec les 2ème, 4ème et 5ème bataillon du régiment. Au 2 aout 1914, seuls l’État-major du régiment de Marche et le 4ème bataillon étaient en Tunisie. L'État-major à Bizerte, le 4ème Bataillon à Tunis. Les 2ème et 5ème Bataillons étaient au Maroc. Le 6 Août, l'État-major quittaient Bizerte à destination d'Alger où ils devaient s'embarquer avec les troupes de 38ème Division dont le 8ème Régiment de Tirailleurs de Marche devait faire partie. Le 4ème bataillon vint rejoindre l'État-major à Alger. L'effectif total était au départ de 25 officiers et de 1054 hommes de troupe.

 

 

 

 

<< Le drapeau du 4ème RMT, régiment frère du 8ème

 

Ayant presque tous fait !a campagne du Maroc, ces hommes, étaient des soldats disciplinés, d'un incomparable dévouement, et d'une résistance physique qui permettait les plus grands espoirs. Le voyage s'accomplit par une chaleur torride; arrivé à Alger le 7 Août, le régiment est embarqué le 9, à bord du “Manouba” et de la “Ville d'Alger”. Le régiment débarque à Cette (Sète) le 12 Août 1914, à 6 h, et le même jour, à 22h30, il est transporté par voie ferrée à Avignon pour s’organiser (renfort en personnel, matériel nécessaire,…).

 

Les 35 jours de guerre du Caporal Gabriel TARGAN

Le 15 Août, ces opérations terminées, il est embarqué à 22h.30, via Paray-le-Monial, Moulins, Nevers, Villeneuve-St-George, le Bourget, Soissons, Laon, Hirson pour Anor (Nord), où il arrive le 17 Août, à 18h. Sur tout le parcours, un accueil chaleureux leurs fut réservé. Le 18 Août, le régiment se rend à Chimay, et franchit, vers 7h30, la frontière franco-belge. Les nouvelles, qui jusqu'alors, étaient rares et imprécises, se précipitèrent. On savait que l'ennemi avait envahi la Belgique et que le régiment allait défendre ce pays dont l'Allemagne avait violé la neutralité. Les populations belges, pleines d'espoir à la vue de ces troupes, leurs firent un accueil qui restera gravé dans leur mémoire, et c'est au cri de “Vive la France”, que le régiment traversa les villages wallons.

Le 21 Août, le 5ème bataillon, venant du Maroc, rejoignait le régiment. Ainsi, le régiment, formé à 2 bataillons, comptait 45 officiers et 1931 hommes. La 38ème DI, rattachée au 3ème C.A. était désormais au complet; elle comprenait la 75ème Brigade (1er Zouave de Marche, les 1er et 9ème Tirailleurs) et la 76ème Brigade (4ème Zouaves de Marche et les 4ème et 8ème Tirailleurs).

Le 21 Août, vers 17 h, un premier avion allemand vient survoler les cantonnements est accueilli partout par une vive fusillade, il vint s'écraser prés de Sidenrieux, à 4 kms environ au sud de Walcourt.

1)  La Retraite de Charleroi.

Dés lors, les événements se précipitent. La bataille de Charleroi est engagée; dans la nuit du 21 au 22 Août, la 38ème DI se dirige vers Charleroi, 75ème Brigade en tête. Le 22 Août, vers 8h30, le régiment est établi en première position d'attente, à l'ouest de Praille (3 kms au nord de Somzée) puis à Pairin. Depuis le matin, vieillards, femmes et enfants épouvantés, refluent en nombre vers l'arrière. La 5ème Division du 3ème Corps est engagée dans la lutte contre la Garde Impériale qui, à tout prix, cherchent à s'emparer des passages de la Sambre. Le 75ème Brigade (1er Zouaves et 1er Tirailleur en tête), dans une charge à la baïonnette, essaie de rejeter l'ennemi sur la rive droite de la Sambre. Mais c'est l'élite de l'armée allemande; et le soir, les troupes de première ligne ayant subi des pertes considérables se replient la rage au cœur.

 

Le 23 Août au matin, le 8ème Tirailleur qui a quitté ses emplacements de Pairin pour venir bivouaquer à 1800 m au nord de Somzée, occupe une position à cheval sur la route de Charleroi. Il reçoit, vers 11 h, le baptême du feu. Des obus de 77 tombent sur nos lignes, sans grands dégâts sur la troupe qui a établi aussitôt des tranchées. Vers 13 h, l'ennemi occupe la ligne Pairin, Praille, Tarlienne: le 5ème Bataillon va appuyer une contre-attaque à l'ouest de la route. Les troupes de contre-attaque sont violemment prises à partie par un feu d'artillerie de 77 et de 105, et notre artillerie, est arrosée par un tir très dense d'obus. Vers 16 h, le régiment se replie en bon ordre à 2 km au N. E. de Chastres, où il bivouaque par une nuit éclairée par les incendies de Gerpiennes, du Châtelet et de Malines, allumés par l'ennemi.

 

Du 24 au 28 Août, a lieu un grand mouvement de retraite, le régiment couvre plus de 200 km, marchant de jour et de nuit dans des conditions très difficiles, par un temps pluvieux et orageux. Les routes sont encombrées par les convois et par l’exode des populations qui fuient devant l'envahisseur. Le régiment s'établit, le 28 Août, dans la soirée, à 2 km au N.O. de Villers-le-Sec, au sud de la route dominant les pentes descendant sur Ribemont. Des éléments de tranchées sont ébauchés aussitôt. Malgré l'extrême fatigue occasionnée par ces pénibles étapes, le moral reste satisfaisant. Toutes les dispositions sont prises en vue d'un combat qui devient imminent pour défendre Ribemont.

 

2) Bataille de Guise, ultime contre-attaque pour tenter d'empêcher les toupes allemandes de passer l'Oise

Dés le matin du 29 Août, le combat s'engage sur la rive droite de Guise. C'est la première Bataille de Guise qui commence. La 75ème Brigade contre-attaque avec impétuosité sur les hauteurs de la région Regny-Sissy au N.O. de Ribemont. L'ennemi subit des pertes sanglantes et recule. Au soir du 29 août, la situation devant le front de la 38ème DI, à cheval sur l’Oise, est complètement rétablie; sur les hauteurs dominant la rive droite de l'Oise, Zouaves et Tirailleurs de la 75ème Brigade, vainqueurs de la journée, organisent fébrilement le terrain. Mais l'ennemi, à gauche, a pu forcer la résistance et cherche à envelopper la résistance qu'il a éprouvée devant Ribemont. Dans la nuit du 29 au 30 Août, la 75ème Brigade, trop en flèche, passe sur la rive gauche de l'Oise, et vient s'établir à l'est de Villers-le-Sec.

Le 30 Août, dés l'aube, l'ennemi renouvelle ses attaques; il parvient à forcer les ponts de l'Oise à Ribemont, défendus par le 4ème Tirailleurs, et prend pied sur les pentes au nord-est de Ribemont. Le Régiment est soumis toute la journée à un violent tir d'artillerie; le 5ème bataillon subit le premier choc des vagues d'assaut qui sont accueillies avec un grand sang-froid. Vers 14 h, le 4ème bataillon se porte en avant à la hauteur du 5ème bataillon pour contre-attaquer. Les tirailleurs s'élancent à la baïonnette vers les lignes ennemies. L'artillerie et les mitrailleuses font rage. Un bataillon du 4ème Zouaves, débouchant de la lisière nord-ouest du bois nord de Villers-le-Sec, se porte par bonds vers nos tranchées pour appuyer le mouvement. L'ennemi surpris, hésite et de nouveau fléchit. Mais, vers 17 h, la situation devient critique: les 35ème et 36ème Divisions qui sont à droite et à gauche de la 76ème Brigade s'étant repliées, nos bataillons, pris d'enfilade, sont fortement éprouvés. Les 4ème et 5ème bataillon ont de lourdes pertes. Les 2 chefs de bataillon sont hors de combat; presque toutes les sections sont privées de leurs chefs. Tout mouvement en avant est désormais impossible; la rafale est tellement intense que la relève des blessés ne peut avoir lieu. Les éléments d'aile sont obligés de se replier, et c'est sous un feu roulant que les dernières sections exécutent leur retraite. Toutes les unités de la brigade se rassemblement à Surfontaine et Renansart, où, vers 23 h, les compagnies du 8ème Tirailleurs arrivent peu à peu, harassées de fatigue. On comptait environ 200 blessés, autant de disparus; le nombre exact des morts ne put être connu. Dans ce nouveau contact avec l'ennemi, après les dures journées de marche précédentes, les tirailleurs avaient fait preuve d'une endurance et d'un courage remarquables.

Le 31 Août, vers 3h, les éléments ralliés du 8ème Tirailleurs reprennent leur route, continuant leur mouvement de retraite. Ils arrivent à Celles-lès-Coné le 3 Septembre, vers 17h, ayant couvert, en 3 jours, 134 kilomètres.

 

3) Bataille de Montmirail.

Le 4 Septembre, le régiment quitte Celles, formant l'arrière-garde de la Division, avec mission de contre-attaquer et de retarder la poursuite de l'ennemi. Il reçoit l'ordre de s'organiser défensivement à l'orée des bois de Pargny. Le 4ème bataillon passe par les bois, tandis que le 5ème bataillon doit traverser le plateau pour prendre une position de flanc-garde; il tombe aussitôt sous les feux d'une batterie et se replie dans le bois sous une grêle d'obus.

L'ennemi, les ayant devancés, attaque sur les deux flancs; la situation est critique et il est impossible de prolonger la résistance. Le repli du régiment s'effectue au milieu de grandes difficultés. L'ordre est donné de gagner Montmirail, mais cette ville étant sous le feu de l'ennemi, il est décidé de passer par le château de Beaumont, de façon à se diriger soit sur Esternay, soit sur Sézanne, où il est rejoint, la nuit, par le reste du 4ème bataillon, après une marche de 50 kms. En fin de journée, on comptait une centaine de blessés ou de disparus, le nombre des morts n'ayant pu être connu exactement. Les blessés avaient été dirigés sur l'hôpital de Montmirail, où ils tombèrent aux mains de l'ennemi.

 

4)   La Bataille de la Marne et le début de la course à la mer.

Le régiment arrive le 5 septembre aux abords de Provins. Cantonné à «l'Échelle», il se regroupe et se reconstitue. Les bataillons sont reformés à 2 compagnies de 150 hommes. Le Colonel du 4ème Zouaves prend le commandement de la 76ème Brigade.

 

Le 6 Septembre, avec l'ordre de «ne plus céder un pouce de terrain et de reprendre la marche en avant», l'impression des jours passés, semble s'évanouir; la fatigue et les privations endurées sont oubliées ! C'est une troupe galvanisée, qui se prépare à l'offensive générale. Dès le 7, au matin, la marche en avant est reprise. La 38ème Division, trop épuisée, ne participera pas à la première vague. Rattachée à la Vème Armée, elle est placée en réserve. C'est ainsi que le régiment, traverse le champ de bataille de Montolivet, jonché de cadavres qui témoignent de la violence de la lutte. Les hommes, émus, rectifient d’eux-mêmes la tenue et présentent les armes sur toute la traversée du champ de bataille, hommage rendu aux morts.

 

La 38ème Division passe en 1ère ligne le 9, et continue la poursuite en direction de Château-Thierry. L'ennemi bousculé, harcelé sans répit, n'a pas le temps de faire sauter les ponts. Le 10, clairons et noubas en tête, le 8ème Tirailleur entre dans Château-Thierry. La poursuite continue sans trêve malgré le très mauvais temps. Le régiment, par Bézu, Epieds, Mareuil, prend les avant-postes, le 11, à Chéry-Chartreuve, tandis que la 75ème brigade, à sa droite, attaque, et bouscule à Fismes, les éléments d'arrière-garde ennemis qui opposent une résistance sur les hauteurs dominant cette ville.

Le 12 septembre, le régiment cantonné à Fismes procède au nettoyage des faubourgs, faisant une centaine de prisonniers qui, surpris, s'étaient cachés dans les caves, et le 13, la 38ème Division traverse l'Aisne à Oeuilly sur des ponts de bateaux. Après avoir franchi Pargnan, l'avant-garde est reçue par un feu violent de l'artillerie; le régiment se porte à Paissy par Jumigny et où elle bivouaque. Gabriel TARGAN est nommé caporal, le 13 septembre 1914.

Le 14 septembre, dès l'aube, le combat reprend sous la pluie: le 5ème bataillon, en avant-garde, atteint le Chemin des Dames, mais l'ennemi réagit de plus en plus vigoureusement.

Le 15 septembre, en raison d'un violent barrage d'artillerie ennemie, la position de Cerny-en-Laonnois ne peut être atteinte. Jusqu'au 21 septembre, la lutte se poursuit avec acharnement. On a l'impression que l'ennemi s'est ressaisi, qu'il a reçu des renforts, des canons, des munitions et qu'il veut à tout prix arrêter la poursuite et interdire la prise du Chemin-des-Dames. L'aviation ennemie devient plus active; elle survole les cantonnements pour surveiller les mouvements de troupe et régler le tir de l'artillerie. Les attaques et les contre-attaques se succèdent sans arrêt, des tranchées, des boyaux sont creusés la nuit. C'est le commencement de la stabilisation sur ce front qui est organisé en “secteurs" et où, pour la première fois, de courtes périodes de repos sont possibles dans des cantonnements dits "de rafraîchissement", et où le régiment peut se réorganiser et recevoir ses premiers renforts, le 3 octobre.

 

Le caporal Gabriel Joseph TARGAN disparait (tué à l'ennemi) lors des combats du 19 septembre 1914,  sur le territoire de la commune de Paissy, il a 23 ans.

 

Aucune sépulture n’est connue. Les autorités militaires ne semblent pas connaître son lieu d’inhumation. Son corps n'a pas été retrouvé, ou s'il l'a été, il n'a pas pu être identifié. De ce fait il a été inhumé, avec de nombreux autres dans le même cas, dans un ossuaire proche des lieux du combat.

 

 

Son décès est porté dans le registre d’Etat-civil de la commune de Trèbes, le 4 août 1920, après qu’un jugement du tribunal de Carcassonne du 28 juillet 1920 ait confirmé sa mort.

 

 

Son nom est gravé sur le Monument aux morts de Trèbes.


Gabriel Joseph TARGAN, vers 1912, durant son service militaire, dans son uniforme de tirailleur