soldat du "Train des équipages"

                                   artilleur 1917

A la mobilisation, Émile est affecté, à compter du 8 août 1914, et compte tenu de son âge (il a 36 ans et 3 enfants), au 16^ème escadron territorial du train des équipages militaires (ETEM), stationné à Lunel (Hérault), chargé des transports et des approvisionnements du 16ème C.A.

Un escadron du Train des équipages militaires (E.T.E.M.) se composait de 9 compagnies actives et de 6 unités territoriales. Au cours de la campagne, il s’est encore accru  et, à la fin de la guerre, il comptait 32 compagnies, savoir : 

--  8 C. V. A. D. (Convoi administratif de Corps d’armée)

– 1 Boulangerie de campagne

– 5 C. V. A. X. (Convoi auxiliaire)

– 1 Compagnie d’ambulances

– 8 Compagnies de Q. G.

– 2 Compagnies territoriales d’étapes

– 1 Compagnie muletière

– 1 Compagnie d’âniers

– 1 Groupe mobile de remonte

– Sections d’équipages muletiers

– 1 Compagnie de transports.

Ces unités sont chargées de transports et des services du 16ème C.A.  

En 1916, le manque d’hommes jeunes se  faisant sentir à la suite des pertes que nous avions subies, la création de nombreux régiments d’artillerie obligea le commandement supérieur à prendre, aux E.T.E.M., tous les hommes de l’active et de la réserve pour les classer dans d’autres unités combattantes c'est même le cas pour Émile LACUVE âgé de 38 ans. Ils furent remplacés par des territoriaux plus âgés et des pères de familles nombreuses qui s’adaptèrent rapidement à leur nouveau service. Les moyens de transport furent très variés. Les unités rattachées aux Corps d’Armée se composaient presque exclusivement de fourgons et de chariots de parc.

Le Train des Equipages, étant chargé de pourvoir aux besoins de l’armée, a été réparti dans toutes les formations et, de ce fait, très morcelé. C’est donc individuellement ou par petites fractions que les hommes des Escadron du Train ont pris part aux différentes actions des unités combattantes.

De gros détachements, voire même des unités entières des escadrons, furent détachées dans l’Artillerie pour effectuer des transports de munitions ou de pièces lourdes; dans le Génie qui faisait transporter jusqu’aux tranchées, tôles, fils de fer et autres matériaux nécessaires pour la guerre de mines et de tranchées. A l’Infanterie, on donnait des voitures, des chevaux, des hommes des C. V. A. X., pour transporter le matériel de chaque compagnie ou pour atteler le train de combat et quelquefois le train régimentaire. Le Service de l’Intendance employait les hommes comme manutentionnaires dans les gares.

Mais dans tous les services auxquels ont été employés les conducteurs du Train des Equipages, le Service de Santé a été celui où ils ont le plus peiné et où ils ont été le plus exposés, surtout au début de la campagne. Comme ce conducteur qui s’en allait, seul la nuit dans des chemins défoncés, chercher des blessés au poste de secours à qui il fallait de l’initiative et du sang froid. Très souvent, sur la route, tombent des obus et il ne peut se mettre à l’abri; il doit continuer son chemin; coûte que coûte, il doit ramener les blessés.

Enfin, dans de nombreux autres services : Agriculture, exploitation des forêts, réparation des routes, service aéronautique, etc., les unités du Train avaient des détachements. En un mot, le tringlot était partout et partout il sut se faire aimer.

Les compagnies du Train constituant les impédimentas de l’armée ne seront que rarement et tout à fait exceptionnellement en contact direct avec l’ennemi. Sauf de très rares exceptions, au commencement de la campagne, elles n’ont pas eu à combattre. Ce n’est d’ailleurs pas leur rôle.

Émile Gabriel LACUVE est finalement affecté, en tant que chauffeur, au 88ème régiment d’artillerie lourde tractée (RALT), à compter du 19 janvier 1917. Ce régiment vient d’être constitué à partir de la 71ème batterie du 1er Régiment d’artillerie coloniale. Ce 1er groupe de 2 batteries de 4 canons est armé le 15 février 1917 de canons de 155 long Schneider.

* Offensive de l’Aisne (16 avril 1917).

Les 1er et 2ème groupes, dont Emile LACUVE, y ont pris part. Le 1er groupe sur ses positions de Brenelle (sud de Vailly). Le 2ème groupe sur ses positions du bois de Beaumarais (près Craonne). Tous deux ont été engagés dès le début d'avril et participent à l'attaque du 16. Le 2ème groupe seul restera dans ce secteur jusqu'au 19 juin.   

* Attaque des Monts de Champagne (fin avril).

Le 1er groupe seul y participe. En batterie près de Beaumont‑sur‑Vesle (sud‑est de Reims), il prend part aux attaques du 30 avril et du 3 mai pour la conquête du massif de Moronvilliers. Journées très meurtrières. Le groupe continue ensuite à tenir ce secteur jusqu'au 6 juillet, et cela dans des conditions très défavorables pour le personnel qui subit des pertes très sérieuses et pour le matériel qui y est mis à peu près hors service.

D'autres groupes sont crées 

- le 4ème groupe, créé le 2 mars 1917 (7ème et  8ème batterie) Le groupe est armé, à Villepreux, de pièces de 140 de marine modèle Schneider 1915. Le personnel provient de la 13ème batterie du 8ème régiment d'artillerie à pied et du dépôt du 81ème régiment d'artillerie lourde à tracteurs.

- le 5ème groupe, créé le 1er avril 1917 (9ème et 10ème batterie). Ce groupe est armé, à Bures et Orsay, d'un matériel de 145 modèle 1916. Le personnel provient de la 9ème batterie du 10ème régiment d'artillerie à pied et du dépôt du 81ème régiment d'artillerie lourde à tracteurs.

- le 6ème groupe, créé le 1er avril 1917 (11ème et 12ème batterie). Ce groupe est armé à Saint-Nom-la-Bretèche, d'un matériel de 145 modèle 1916. Le personnel provient de la 19ème batterie du 10ème régiment d'artillerie à pied et du dépôt du 81ème régiment d'artillerie lourde à tracteurs.

- le 3ème groupe, créé le 19 avril 191 (5ème et 6ème batterie). Ce groupe a été armé au fort de Buc, d'un matériel de 100 T.R. modèle 1897, réalésé en 105. Le personnel provient des 7ème, 8ème et 9ème batteries du 81ème régiment d'artillerie lourde à tracteurs et du dépôt du même régiment.

* Verdun (octobre 1917)

Le 1er groupe prend position, le 22 octobre, près de Bras. Il concourt à la prise des fortes positions de la rive droite et en particulier de la côte du Poivre. Le 1er groupe quitte la région de Verdun le 24 décembre, après 5 mois de secteur coupés d'un repos.

En janvier 1918, des canons 155 Grand Puissance FILLOUX, du nom de son inventeur (G.P.F.) et 145 constitueront désormais les matériels mobiles et puissants dont on dotera les artilleurs du 88ème R.A.L.T. qui, eux aussi, veulent faire la guerre de mouvement. Ils la feront en 1918, de Lorraine en Belgique.

L'état‑major du régiment quitte Isle‑sur‑Mame, près de Saint‑Dizier, le 2 janvier, stationne quelques jours à Poissons (Haute‑Marne) et se fixe le 28 janvier à Bourlemont‑Frebecourt (Vosges).

Le 1er groupe stationne d'abord à Noncourt (Haute‑Marne), puis le 29 janvier à Domrémy‑la-Pucelle (Vosges). Le 2ème groupe, après avoir touché ses pièces de 155 G.P.F. à Noailles, rejoint Sionne (Vosges) le 30 janvier. Le 1er groupe quitte son cantonnement le 3 mars, pour aller toucher du G.P.F. à St-Dizier, mais finalement n’a pas le temps.

Canon de 155 long, ancien modèle, en position.

* Attaques ennemies sur la Belgique (mars à juin1918).

Les 25 et 27 mars, le régiment reçoit l'ordre de se diriger à marches rapides vers la Belgique. Deux jours suffisent pour accomplir ce long trajet, les étapes étant de 120 kilomètres. Itinéraire suivi: Villers‑Bocage 25 avril), Saint‑Omer (26 avril). Arrivée à Watou (Belgique) le 27 avril. C'est le jour de la bataille du Kemmel et de la prise de Locre; c'est la veille de l'attaque d'Ypres. Les unités se dirigent sur des positions sommairement reconnues. Elles doivent se frayer un passage sur des routes encombrées de fuyards civils, de troupes revenant du combat, les uns et les autres emportant pour le sauver, un matériel des plus hétéroclite. Le 1^er groupe met en batterie à Boeschepe; le 2^ème groupe, près de Godevaerswelde d'abord, de Poperinghe ensuite. Ces occupations sont faites en partie de nuit, au son du roulement infernal de l'artillerie. Les méthodes, astronomiques de pointage sont fortement mises à contribution; la justesse du tir en est reconnue dans un communiqué allemand qui se plaint de la «barbarie du tir français» sur les cantonnements de Wystchaete. La distance de tir est d'environ 15 km.

A des combats très durs le jour, à l'énervement causé par l'aviation ennemie la nuit, il faut ajouter pendant cette période des incidents très malheureux du fait du matériel (éclatements). Ce sont des journées pénibles pour les hommes qui tirent sans aucun répit. Le ravitaillement en munitions doit se faire dans des conditions déplorables et la section de transport est bien souvent à la peine comme les groupes de tir.

Dès lors, une organisation plus rationnelle préside à tous les mouvements et la majorité des ordres reçus deviennent exécutables. Les attaques se succédant sur les monts des Flandres, le régiment participe à la défensive jusqu'au 6 juin, mais le 1^er groupe était parti depuis le 2 juin.

Bréguet XIV A2, chargé de recueillir des informations pour aider au pointage

* Attaque de Mailly Raineval et de Sauvillers (23 juillet)

Le 1^er groupe descend légèrement vers le sud (bois de Tartigny). L'attaque du 23, menée au centre par le 9^ème corps d'armée, donne de très beaux résultats: capture de pièces de canons, 4.000 prisonniers et récupération d'une batterie de 145 qui était restée entre les lignes près de Mongival. Les villages de Mailly‑Raineval, de Sauvillers‑Mongival sont pris.

* Offensive pour le dégagement d’Amiens (8 août 1918.)

L'état‑major du régiment se porte, le 1er août, à Estrées‑sur‑Noye. Le 2ème groupe est placé dans la région du Paradol et du bois de Fouencamps. Le 8, l'attaque se déclenche. La prise de Morisel et de Moreuil permet le passage de l'Avre pour l'exploitation du succès. Dès lors, l'attaque de Roye est envisageable.     

* Bataille de Champagne et des Ardennes (septembre à novembre 1918.)

Par Soissons, Neuilly‑Saint‑Front, Dormans, le 2ème groupes et B et C font mouvement et arrivent le 23 dans la région de Villers‑Agron et Goussencourt. Le régiment se trouve aux ordres de la 5^ème armée et travaillera dans les secteurs d'attaque des trois corps d'armée échelonnés sur la Vesle, de l'est de Fismes à l'ouest de Reims.

L'installation des batteries est réalisée dans des conditions très précaires au milieu de nombreux mouvements de échelons qui n'arrivent jamais à se caser tant la densité des troupes est considérable et les terrains de stationnement impraticables. Les mouvements doivent être nécessairement exécutés avec beaucoup de discrétion; toutes les mises en batterie se font de nuit. Il est demandé de gros effort du personnel conducteur (dont Émile LACUVE) qui doit diriger, sur des routes couvertes de troupes, un matériel lourd et encombrant.

L'attaque de la ligne de la Vesle a lieu le 30 septembre à l'aurore. L'intensité de feu énorme. Le déclenchement immédiat de toute l'artillerie a lieu de façon coordonnée, elle qui s'était tue jusqu'à cet instant. Dans la journée et le lendemain, l'ennemi doit retraiter. Il se retire en faisant sauter routes, ponts et carrefours, en détruisant les voies et incendiant les villages. La Vesle ne peut être franchie qu'après la construction de ponts pour l'artillerie lourde.

Il est fort probable qu’Emile LACUVE ne soit plus dans les rangs. A quel moment est-il tombé malade ? Et pourquoi est-il dans un hôpital très loin de l’activité de son régiment ? A-t-il été gaze et quand ?  Autant de questions qui ne trouve pas de réponse dans les divers document consultés.  

Emile Gabriel LACUVE d à l’hôpital d’évacuation n° 12/2 SP 185, commune d’Omelmont, au sud de Nancy (Meurthe et Moselle 54409) le 7 octobre 1918 des suites d’une maladie contractée au service (peut-être gazé ?), il a plus de 40 ans.

Son décès est porté dans le registre d’Etat-civil de la commune de Trèbes en date du 29 décembre 1919.

Son nom est gravé sur le Monument aux morts de Trèbes.

Son corps a été rapatrié, rendu à la famille le 10 mars 1922 et il est inhumé dans le caveau familial à Trèbes.