Plan "dit Schlieffen" de 1905, prévoyant les modalités d'invasion de le France
Le dimanche 2 août, le caporal Peugeot (44ème R.I., de Belfort) et le lieutenant Mayer (5ème Chasseurs à cheval, de Mulhouse), s'entretuent au cours d'une escarmouche, près de Joncherey (au nord
de Belfort). Ce sont les premiers morts français et alleman de la guerre, sur le front occidental. En effet, quelques heures avant, sur le front oriental, un chasseur allemand, Paul
Grün ou Gruen, avait été tué par un groupe de cosaques.
Le lundi 3, l'Allemagne déclare la guerre à la Belgique (en violant la neutralité de ce pays) qui a rejeté l'ultimatum de la
veille. Et l'Allemagne se déclare la guerre à la France évoquant de faux prétextes (notamment des incidents de frontière).
Depuis l'alliance franco-russe l'état-major allemand s'était préparé à une guerre sur 2 fronts, à l'Est contre la Russie à l'Ouest contre la France. L'économie
allemande ne pouvant soutenir un conflit de longue durée, l'essentiel des forces du Reich devait être tourné contre la France. L'armée française pouvait être battue en 6 semaines, avant l'entrée
en ligne des armées russes, lentes à se mobiliser et contre lesquelles, on se retournerait ensuite. C'était, pensait-on à Berlin, "question de vitesse et de force brutale".
Le plan des opérations est conçu depuis 1905, par le chef d'état-major de l'époque, le général von Schlieffen. Il reposait sur une grandiose stratégie de
l'enveloppement, sensiblement modifié par le nouveau commandant en chef, le général von Moltke, le neveu du vainqueur de 1870. Contrairement aux recommandations expresses de Schlieffen, Moltke
avait diminué l'effectif de la masse de manœuvre allemande, l'"aile marchante". Cette aile droite, forte d'une soixantaine de divisions, traversant la Belgique par surprise envelopperait les
armées françaises d'un gigantesque mouvement en coup de faux et les contraindrait à la capitulation, l'action de l'aile gauche renforcée assurant l'encerclement complet.
Du côté français, bien que la doctrine militaire fût résolument offensive, il n'était pas question, pour des raisons politiques, de porter atteinte à la neutralité belge, en dépit des soupçons que l'on eut sur les intentions allemandes.
Avancée des
troupes allemandes
du 2 août au
5 septembre
Depuis 1871, l'Europe vivait sous un régime intermédiaire entre paix et guerre, la "paix armée". Après que l'Allemagne ait conclu sa "Triple Alliance" (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie) en 1882, afin de maintenir sa suprématie, la France mena à bonne fin de 1893 à 1907 la "Triple Entente" pour rétablir l'équilibre européen (France, Russie, Royaume-Uni). L'assassinat de l'archiduc héritier d'Autriche en juin 1914 offrait à l'Allemagne un prétexte pour déclarer la guerre à la Russie, le 1er août 1914. Dès lors, la France mobilisait. Le 3 août, l'Allemagne entrait en guerre avec la France et violait aussitôt la neutralité de la Belgique. Cela poussait, le 4 août, le Royaume-Uni à prendre part au conflit.
Les armées en présence
En août 1914, l'opinion générale était que cette guerre, qui s'annonçait "fraîche et joyeuse", serait rapidement conclue par une rencontre décisive entre les 2 principales armées: l'armée allemande et l'armée française. Pour l'Allemagne, cette campagne rapide consistait à se jeter sur la France avec la totalité de ses forces afin de la mettre très vite hors de combat, en un mois tout au plus, puis à se retourner contre la Russie. Cependant, l'Allemagne ne pouvait pas compter sur une supériorité numérique aussi marquée que 1870. L'armée de choc qu'elle se préparait à lancer contre la France (un million et demi de combattants), se trouverait opposée aux Français, avec l'aide des Belges et des Anglais, à des forces sensiblement équivalentes. L'Allemagne, néanmoins, comptait sur l'avantage incontestable de sa préparation technique et sur les formidables réserves de son artillerie lourde de campagne.
La guerre de mouvement:
de l'invasion (2-16 août) aux batailles des frontières (17-25 août)
Les 2 adversaires prennent simultanément l'offensive. L'Etat-major allemand, sur ordre du général Moltke, organise la manœuvre de très grande envergure, préparée 7 ans plus tôt et connue sous le nom de "plan Schlieffen". Celle-ci projetait de contourner la barrière fortifiée de Belfort/Verdun et de déborder, par le nord, la ligne de bataille française. Cette opération nécessitant la violation des territoires belge et luxembourgeois. Le Grand Quartier Général français la jugeait utopique. Elle se réalisa pourtant point par point. Dès le 2 août, les troupes allemandes envahissaient le Luxembourg et violaient la neutralité de la Belgique. Le 4, elles commençaient le siège de Liège.
Moltke jette 7 armées comportant 78 divisions dans cette bataille, 5 armées étant prévues pour l'investissement de la Belgique et du Luxembourg (nota: afin de distinguer les armées allemandes des armées françaises, nous utiliserons les chiffres romains pour désigner les premières et les chiffres arabes pour les secondes) :
*La Ière armée, commandée par von Kluck. Forte à elle seule de 30 divisions, constitue l'aile droite marchante, qui doit assurer le mouvement enveloppant (conforme au plan Schlieffen). Elle doit faire mouvement selon une ligne de progression Bruxelles / Tournai.
*La IIème armée, commandée par von Below, à gauche de von Kluck. Elle suit une ligne de progression Charleroi / Maubeuge.
*La IIIème armée, commandée par von Hausen. Elle progresse par la ligne Liège / Namur et la trouée de Chimay.
*La IVème armée, commandée par le duc de Wurtemberg. Elle progresse sur la ligne Neufchâteau / Sedan.
*La Vème armée, commandée par le Kronprinz. Elle fait mouvement par Thionville et la trouée de Stenay.
*La VIème armée, commandée par le prince Ruprecht de Bavière et la VIIe armée, commandée par le général Heeringen, forment l'aile gauche allemande et progressent de part et d'autre de la trouée de Charmes.
Le Grand Quartier général français (G.Q.G.) commandé par le général Joffre ne pense pas que les Allemands puissent dépasser la Meuse. Il compte paralyser la manoeuvre ennemie par une attaque foudroyante en Alsace-Lorraine et dans les Ardennes. Ce plan d'attaque qui s'opposait au plan allemand était dit "plan XVII". Il prévoyait de concentrer sur le terrain les armées comme suit :
*La 1ère armée, commandée par le général Dubail, entre Belfort et Lunéville
*La 2ème armée, commandée par le général de Curières de Castelnau, de Nancy à Nomeny ;
*La 3ème armée, commandée par le général Ruffey, entre la Moselle et Audun-le-Roman ;
*La 5ème armée, commandée par le général Lanrezac (dont le 1er corps est commande par le général Franchet d'Esperey), renforcée par un corps anglais et prolongée par le corps de cavalerie du général Sordet, entre Montmédy et Longuyon ;
*La 4ème armée, commandée par le général de Langle de Cary, est concentrée entre Bar-le-Duc et Commercy.
Joffre, estimant que l'attaque principale aura lieu dans une zone Metz / Thionville / Luxembourg, intercale la 4ème armée entre la 3ème et la 5ème. Malheureusement, le G.Q.G. méconnaît le nombre exact des forces ennemies qu'elle aura à combattre. Il ignore que les divisions de réserve ont été ajoutées à celles d'active. L'offensive française (2ème armée) est brisée à Morhange, en Lorraine, dès le 20 août, puis dans les Ardennes (4ème armée), les 22 et 23 août. L'aile gauche, la 5ème armée et les 4 divisions anglaises de French, attaquées à Charleroi et Mons, se trouvent menacées d'enveloppement. Elles doivent battre en retraite le 23 août. C'est l'effondrement du plan XVII de Joffre. La bataille des frontières est perdue. Le 24, les Allemands entament l'invasion du nord et du nord-est de la France. Par une avance rapide de leur aile droite, ils s'efforcent d'envelopper les armées françaises en retraite, ou de les refouler jusque la frontière suisse. Mais Joffre ne se laisse ni troubler, ni envelopper. Il ordonne une retraite générale que les Allemands prennent pour une fuite· Or, dès le 25 août, ces derniers commencent à essuyer quelques défaites locales (trouée de Charmes, bataille de Guise...).
Plan de l'avancée allemande au 5 septembre 1914
La préparation de la contre-offensive de Joffre (26 août - 5 septembre 1914)
Le 26 août, Joffre commence le remaniement de ses cadres et constitue la 6ème armée qu’il place à gauche des Anglais de French. Le 29 août, Lanrezac porte un coup à l'avance de la IIème armée de von Below et la bloque à Guise. Le 3 septembre, Franchet d'Esperey remplace Lanrezac à la tête de la 5ème armée. Foch est appelé au commandement de la 9ème armée, nouvellement créée. Pendant ce temps, l'avance aisée de la Ière armée allemande, pourtant ponctionnée de quelques divisions pour renforcer le front russe, entraîne son chef à prendre un raccourci par rapport au plan initial. Parvenu à 40 km de Paris, pour gagner du temps, von Kluck, au lieu de poursuivre la route de l'enveloppement par le sud (comme le prescrit le plan Schlieffen), bifurque brusquement vers l'est de la capitale, Senlis et Luzarches, et fonce vers le sud-est.
Cette manoeuvre inattendue incite alors le gouverneur de Paris, Galliéni, de tenter une manoeuvre hardie. Le 5 septembre, il rassemble toutes les forces disponibles du camp retranché (6.000 soldats) pour les jeter dans le flanc de l'armée de von Kluck. Pour agir rapidement, il réquisitionne tous les taxis parisiens afin de transporter les hommes (c'est épisode des "Taxis de la Marne"). Ce renfort inespéré de troupes fraîches pèsera lourd dans la victoire de la Marne.
Parallèlement, à l'appel de Joffre, l'ensemble des armées françaises, ainsi que la petite armée anglaise, se préparent à prendre l'offensive le 6 septembre. A cet instant de la bataille, on trouve, d'ouest en est :
*La 6ème armée (général Maunoury, ex-commandant de l'armée de Lorraine dissoute par Joffre le 26 août). Elle occupe un front allant de l'Oise à Meaux.
*L'armée britannique de French, jusqu'au sud-ouest de Château-Thierry.
*La 5ème armée (Franchet d'Espérey). Elle occupe le front dans la région de Sézanne.
*La 9ème armée (général Foch), jusqu'à Vitry-le-François.
*La 4ème armée (général de Langle de Cary), jusqu'à Revigny.
*La 3ème armée (général Sarrail, nommé à la place du général Ruffey, le 30 août) se positionne autour de Verdun.
*La 2ème armée (général de Castelnau), toujours devant Nancy.
*La 1ère armée (général Dubail), devant Epinal.
Entre l'Ourcq et la Meuse, toute l'aile gauche franco-britannique prend l'offensive le 6 septembre.