8.2 La Bataille du "Chemin des Dames" 16 av. /24 oct. 17

 

Trois cent mille morts, cela fait combien de larmes ?
 (Roland Dorgelès « Le réveil des morts »)

 

La bataille du Chemin des Dames, seconde bataille de l'Aisne ou «offensive Nivelle », commence le 16 avril 1917 à 6 h du matin par la tentative française de rupture du front allemand entre Soissons et Reims vers Laon, sous les ordres du général Nivelle: «L'heure est venue, confiance, courage et vive la France !»

 

Le Chemin des Dames est un plateau calcaire, orienté Est-Ouest, situé entre la vallée de l'Aisne, au sud, et la vallée de l'Ailette, au nord. Ce plateau est un bel observatoire, tant vers le nord (plaine située entre Reims et Laon, que celle située au sud depuis Soissons. Les Allemands sont présents sur le plateau depuis septembre 1914. Ils ont eu le temps de le transformer en forteresse en aménageant les carrières souterrai-nes en creusant des souterrains permet-tant de relier l'arrière aux premières lignes, en édifiant et camouflant de nombreux nids de mitrailleuses. C'est un secteur relativement tranquille qui n'a pas fait l'objet, depuis la fin 1915, de grosses offensives. Les Allemands tiennent la ligne de crête et les Français sont établis sur les pentes.

Les alliés imaginent au début de l'année 1917, une grande offensive afin de briser le front allemand. Le projet éventé, les allemands les Allemands se replient du 15 au 19 mars 1917 sur la ligne Hindenburg. Leur front est réduit de 70 km, permettant d'économiser de nombreuses divisions. La ligne de défense s'étend désormais dans une direction nord-ouest/sud-est de Vimy à Reims en passant par le Chemin des Dames. Les Alliés mettent une semaine à se rendre compte de l'ampleur de ce retrait. Le plan initial de l'offensive est désormais caduc. Nivelle et ses généraux adaptent leur projet à cette situation nouvelle et dissocient l'attaque anglaise sur Vimy de l'attaque française qui se centrera sur le Chemin des Dames.

 

La VII° Armée  compte alors 14 divisions, elle est déployée de Vauxaillon à Berry-au-Bac. Les Allemands occupent une zone puissamment fortifiée, avec des mitrailleuses sous abri et un excellent réseau souterrain communiquant avec la ligne de crête. De plus, les Allemands ont l'avantage aérien, disposant de 530 avions de chasse.

 

                                                 un exemple de caverne située sous les lignes >>>>>

 

Le plan français prévoit une concentration maximale de forces sur 30 km de front. Le terrain doit être préparé par un bombardement d'artillerie massif chargé de détruire les premières lignes allemandes. Ensuite, les troupes d'infanterie doivent s'élancer protégées par un feu roulant d'artillerie. Ce plan ne tient pas assez compte du terrain qui est très défavorable : les troupes françaises se situant en contrebas et devant se lancer à l'assaut de pentes fortifiées. D'autre part, le bombardement sur 30 kilomètres de front ne peut être aussi dense que lorsqu'il s'agit de prendre un fort.

 

la pente à franchir

intérieur d'une grotte


 

 

 

 

 

 

 

Les conditions météorologiques sont terribles quand commence l'offensive. En ce printemps 1917, il fait très froid et il neige même le 16 avril. Les Sénégalais qui se sont entraînés dans le sud, ne sont pas préparés à de telles températures. Nombre d'entre eux souffrent du gel. Le 17 avril, la pluie tombe d'une manière quasiment continue et rend le terrain très boueux. C'est surtout le mauvais temps qui gêne les préparations d'artillerie dont les objectifs visés ne seront pas toujours atteints. Les soldats qui s'élancent le 16 avril trouvent des positions allemandes très peu touchées par le bombardement.

Les bombardements ont mis la terre à nu et ont sculpté un paysage lunaire (trous d'obus, absence de végétation). Cette terre boueuse est continuellement retournée par les obus : elle n'est donc pas stable, elle se dérobe sous les pieds si bien que le soldat ne cesse de tomber, pour se relever et tomber à nouveau.

 L'offensive du 16 avril

3 h30 : les hommes de première ligne se réveillent, se préparent et avancent jusqu'aux lignes ennemies

6 h : l'offensive est lancée, les hommes sautent les parapets et gagnent les premières lignes. L'assaut du côté français est donné le 16 avril à 6 heures du matin.

7 h : selon le député Jean Ybarnégaray : « La bataille a été livrée à 6 heures, à 7 heures, elle est perdue ». Un peu partout sur le front, les hommes se rendent compte que l'avancée n'est pas aussi rapide que prévu. En effet ceux qui se sont lancés à l'assaut, échouent contre des deuxièmes lignes très peu entamées par les bombardements. Ils sont de plus pris en enfilade par des nids de mitrailleuses cachés et sont même parfois pris à revers par des soldats allemands qui sortent des souterrains comme à Hurtebise. En effet le terrain est très favorable aux défenseurs : situation en surplomb, réseau de souterrains desservant carrières souterraines (les creutes) et abris bétonnés, alors que les assaillants ne peuvent pas se protéger, doivent grimper une pente souvent raide, progressant sur un sol très instable. Les pertes sont considérables parmi les troupes qui faisaient partie de la première vague d'assaut. Un soldat note dans son journal: « la première vague part, mais est aux deux tiers fauchée par les mitrailleuses ennemies qui sont dans des petits abris en ciment armé » La 10ème division d'infanterie coloniale qui s'élance sur Hurtebise est aussi décimée: les pertes s'élèvent à 150 officiers et 5 000 soldats dont la moitié étaient des tirailleurs sénégalais.

 

9 h : à l'est du Chemin des Dames, les chars d'assaut sont engagés dans le secteur de Berry-au-Bac, mais cette première intervention des chars dans l'Armée française est un échec cuisant, sur les 128 chars engagés, 57 sont détruits, 64 sont tombés en panne ou sont enlisés. En effet, ces chars sont lourds, lents (4 km/h) et restent souvent prisonniers d'un terrain marécageux. Ce sont donc des cibles faciles pour l’artillerie, d'autant plus que le réservoir d'essence placé sur le côté n'est pas protégé. Les pertes là aussi sont lourdes: 33 officiers et 147 soldats.

14 h : premier communiqué officiel: « la lutte d'artillerie a pris un caractère de violence extrême pendant la nuit sur tout le front compris entre Soissons et Reims ». Il n'est pas encore question de l'offensive mobilisant plus d'un million d'hommes et qui a été lancée à 6 h. C'est que sur le terrain, la situation ne s'améliore pas. Il s'est mis à neiger et les soldats s'aperçoivent qu'ils ne progressent guère, que l'offensive est un échec. Le même soldat écrit ainsi dans son journal: « Ordre nous est donné de creuser des trous individuels. Moi qui ai entendu parler du plan, je sais qu'à cette heure nous devrions déjà avoir passé Craonne et être dans la vallée de l'Ailette. Je dis aux camarades: « Ça ne va pas ! » c'était vrai. [...] le plan d'attaque du général Nivelle est raté. »

En fin de journée, les gains de terrain sont minimes : les seules avancées véritables sont en fait réalisées en contrebas du plateau entre Soupir et Chivy ou plus à l'est dans le secteur de La Ville-aux-Bois et celui de Loivre au nord de Reims. Ailleurs, c'est-à-dire sur le plateau du Chemin des Dames entre Cerny-en-Laonnois et Craonne, les forces françaises ont été repoussées. Les pertes en revanche sont considérables.  Les pertes s'élèveraient à 134 000 hommes dont 30 000 tués pour la semaine du 16 au 25 avril. Bien que le général Nivelle ait promis que l'offensive durerait 24 heures, 48 heures maximum, elle se poursuit durant des semaines.

 

 

 

 

En fait jusqu'au 24 octobre où une offensive, préparée par le général Pétain remplaçant du général Nivelle depuis le 15 mai, est lancée sur le fort de la Malmaison qui contrôle l'accès sur la crête du Chemin des Dames. La préparation d'artillerie a été massive et parfaitement coordonnée. Quand les troupes des 11ème, 14ème et 21ème corps d'armée s'élancent, protégées par le feu roulant de l'artillerie, les défenses allemandes sont déjà bien atteintes. Les chars sont de nouveau utilisés mais, cette fois, ils sont plus légers, plus rapides et attaquent frontalement en protégeant les fantassins. La victoire française est nette: les Allemands comptent 8 000 tués, 30 000 blessés et 11 500 prisonniers. Cette victoire ne peut faire oublier le dramatique échec de la bataille du Chemin des Dames mais il consacre une nouvelle stratégie reposant sur l'utilisation massive de matériels modernes (artillerie, chars) concentrés sur un point précis du front. L'armée française conquiert ainsi des positions stratégiques, mais ne parvient pas à faire significativement bouger la ligne de front.

Nombre de hommes tués dans cette affreuse boucherie ont été des hommes recrutés dans les colonies notamment des tirailleurs sénégalais, mais les trébéens payèrent également leur tribut, puisque cinq hommes furent tués sur place ou moururent des conséquences.

 

Gaston Louis                   MIQUEL                                    17/04/17     Sapigneul (Comircy)  51

Joseph                             GAILLARD                               17/04/17     Soissons   2

Jean Joseph                    IZARD                                       06/05/17     Hurtebise  2

Raoul Charles Antoine    BARTHELEMY DE SAIZIEU  07/05/17    Moulin de Laffaux Ravin des abattis   2

Charles Henri Marie        BARTHELEMY DE SAIZIEU  18/10/17    Jouy (au nord)  2