Jacques Pierre PONT  (1887/1915)

Uniforme du bataillon d'Afrique

Légionnaire en 1910

Fils de François PONT, un carcassonnais, fabricant d’espadrilles et d’une trébéenne, Marceline Marguerite Adélaïde Marie COSTESEC qui se sont mariés à Trèbes en janvier 1886, Jacques Pierre Louis Gaston PONT, est né à Trèbes le 18 janvier 1887. 

 

Quand Jacques Pierre passe son conseil de révision vers septembre 1907, ses parents résident à Paris, 19 rue Duvivier dans le 7èmearrondissement. Lui est déjà militaire.

 

Après une adolescence turbulente (il est condamné 11 fois entre avril 1903 et juillet 1906, pour un total de 21 mois de prison pour vagabondage, mendicité, vol, abus de confiance,…), 

Il a les honneurs de la Presse L'Express du Midi 11 avril 1905

 

Jacques s’engage le 19 janvier 1907, à Paris, pour 3 ans dans le 1er Bataillon d’infanterie légère d’Afrique (BILA), un bataillon disciplinaire (le célèbre bat’ d’af…).

Arrivé au corps le 26 janvier 1907, il est chasseur de 2èmeclasse. Son corps est stationné en Algérie, il participe aux campagnes du sud-algérien

 

Jacques Pierre passe dans la réserve, le 19 janvier 1910, mais est maintenu au corps jusqu’au 3 mai 1910 et son certificat de bonne conduite lui est refusé.


Débarquant en métropole le 3 mai 1910, il apprend que son père est décédé. Il réside à Paris, 166 rue de Grenelle à Paris (7ème arrdt.), chez sa mère. Il ne s’entend pas avec son futur beau-père (Julien AUBERTIN).

 

Il s’engage alors, le 28 septembre 1910, pour 5 années, dans le 1er régiment étranger qu'on appellera plus tard, la légion étrangère, habituellement stationné en Algérie.

 

Arrivé au corps le 3 novembre 1910, il est nommé caporal le 1er novembre 1913 et sergent le 28 août 1914.

 

Le 2ème bataillon de Marche du 1er R.E combat dans le sud marocain, dans la région de Taza, à partir d’avril 1913


Le 14 août 1914 le 1er RE de Sidi Bel-Abbès reçoit l’ordre du ministère de constituer deux unités afin d’encadrer les dépôt de LyonAvignon et Bayonne où les volontaires de toutes nationalités affluent. L’effectif prévu pour chaque dépôt est de 1 officier, 4 sous-officiers et 22 légionnaires, et doit être exclusivement français ou naturalisé.

 

Deux demi-bataillons à deux compagnies quittent Sidi-Bel-Abbès le 28 août 1914 et arrivent le 7 septembre en métropole. Le 1er demi-bataillon (17ème et 18ème compagnies), est destiné au dépôt de Lyon. Le 2ème demi-bataillon (19ème et 20ème compagnies), est destiné au dépôt d’Avignon.

À leur arrivée, les demi-bataillons constituent chacun un bataillon de 250 hommes (bataillons A et B) avec les effectifs d’engagés volontaires disponibles dans les dépôts. 

Lorsque le 12 septembre, le colonel  prend le commandement du 2ème Régiment de Marche du 1er RE, le régiment compte deux bataillons à quatre compagnies chacun.


Le 25 septembre, le régiment part pour un entraînement dans le camp de Mailly et est placé sous l’autorité du 20ème Corps d’Armée.

 

Le 18 octobre 1914, les deux régiments de marche des 1eret 2ème étrangers sont mis à la disposition de la 5ème armée et forment une brigade de réserve d’armée intégrée à la Division marocaine.

 

Le 21 octobre le régiment est déplacé dans la Marne à Verzy et occupe les tranchées situées entre Prunay et Sillery (Marne). Arrivé le 26 octobre au camp de Mailly, un nouveau bataillon (C) est constitué à partir du dépôt de Bayonne, il est également mis en ligne au début de novembre 1914 à Prunay.

 

De même, le 22 novembre, le bataillon D en provenance du dépôt d’Avignon, cantonne à Louvois où il complètera sa formation jusqu’en décembre. Deux de ses compagnies montent au front le 13 décembre dans le secteur des Marquises.

 

À partir d’octobre 1914 les bataillons se relaient et sont soit en ligne dans les tranchées des secteurs de Prunay et de la Cité des Marquises soit en cantonnement dans les villages de Verzenay et Mailly ou au bord du canal de l’Aisne à la Marne (Ferme de l’Espérance). Le régiment est en permanence exposé aux duels d’artillerie et aux coups de main ennemis.

 

 

 

Le 2ème de marche du 1er RE est relevé de ses positions entre le 22 et le 24 avril 1915. Il stationne du 24 au 25 avril à Villers-AllerandLouvois, Montchenot et Sermiers jusqu’à son transport par train à Aubigny-en-Artois. Le 27, le régiment est à Villers-Brûlinet à Béthonsart.

Dès le 28, il est remis en 1ère ligne et relève des éléments de la 77ème division d’infanterie. Le PC des premières lignes de la division s’installe alors à la ferme de Berthonval. Les bataillons au repos stationnent à Acq.


 

Le 8 mai 1915, la Division du Maroc reçoit les dernières instructions en vue d’une attaque fixée pour le lendemain et qui doit se déclencher à l’heure H. Tous les détails d’exécution sont fixés au 2ème régiment de Marche du 1er régiment étranger. L’heure H sera donnée au dernier moment. Dans ces derniers jours, les bataillons sont complétés en outils portatifs à raison de un par homme. Ils reçoivent des grenades dont l’emploi est enseigné à une équipe spéciale; des appareils Fillouxdestinés à couper les fils de fer et expérimentés sur un champ de tir improvisé; des fanions rouges et blancs destinés à indiquer la position des unités pendant l’attaque ; des couvres-sacs en toile blanche pour rendre plus visible la ligne des tirailleurs à l’artillerie française. 

 

La mission du 2ème Régiment de Marche du 1er Etranger est celle fixée par le rectificatif n° 43 de la Division du Maroc : attaque de front de l’ouvrage P, des Ouvrages Blancs, tranchée M, l’ouvrage de Nuremberg, puis la tranchée Schiller, en prenant comme axe de son mouvement le boyau Weimar et se diriger ensuite sur la côte 140.

A 5 heures toutes les unités sont en place pour l’attaque :

•  Bataillon C, tranchée de 1ère ligne.

•  Bataillon D, tranchée de 2ème ligne.

•  Bataillon A,  parallèle de Berthonval.

•   Une compagnie du bataillon B, à droite du Bataillon A dans la parallèle de Berthonval. 

•  Trois compagnies du Bataillon B en réserve de Division: une compagnie dans la tranchée longeant le chemin du Mont-St-Eloi, et deux compagnies, le long de la chaussée.

 

A 6 heures, c’est le commencement du bombardement méthodique des tranchées ennemies par 400 canons. Les bataillons occupent leurs positions d’attaque. Deux sections de mitrailleuses se portent aux postes d’écoute. Les hommes, le dos appuyé à la paroi pour se soulager du poids du sac, regardent les geysers de terre qui jaillissent furieusement ; ils ressentent jusque dans leurs corps les ébranlements du sol. Ils pensent que les Allemands d’en face doivent être maintenant liquidés par la pluie d’obus; assommés, abrutis, assourdis, les survivants doivent être tout juste capables de lever les bras. Seul, reste à craindre, le barrage d’obus que les Allemands vont déclencher au démarrage de l’attaque française.

 

Le bombardement cesse 2 minutes avant 10 h. De nombreux légionnaires ont le visage tendu; mais la plupart ne sont pas mécontents d’attaquer. Le silence est impressionnant. Les officiers regardent leur montre: "En avant !"

 


Les bataillons C, D, A et B se lancent successivement à l’assaut. Les effectifs engagés sont de 75 officiers et 3 822 hommes de troupe.

 La première vague d’attaque était formée de 4 compagnies du bataillon C :

·       C1 – compagnie tchèque "Nazdar", 

·       C2 - compagnie polonaise Bajończycy/les "Bayonnais", 

·       C3 – compagnie belge/luxembourgeoise, 

et la C4 – compagnie grecque, qui se trouvait derrière les Tchèques.

 

Les légionnaires ont devant eux 4 km à franchir. Le Bataillon C du régiment monte à l’assaut des Ouvrages Blancs sur la cote 140, à proximité de Neuville Saint-Vaast. Les autres Bataillons font de même. Le fusil à la main, les légionnaires avancent, droit sur les barbelés en face; avec surprise, ils voient que les barbelés ne sont pas complètement aplatis, loin de là. Cependant il y a des passages vers lesquels les officiers entraînent les hommes. La 1ère tranchée ennemie est rapidement atteinte, enlevée et dépassée sans grandes pertes. Soudain, les mitrailleuses allemandes font entendre leur bruit lent de moulin à café. L’adversaire, tapi des abris solides pendant l’infernal bombardement, est revenu à ses postes et se défend avec l’énergie du désespoir. Dans ces conditions, la distance à parcourir est simplement effroyable.

 

Les tranchées aux parapets bouleversés donnent une impression d’abandon mais le réseau mortel reste tissé. Les hommes tombent. Le claquement des fusils se mêle au moulin des mitrailleuses. Les tranchées allemandes ne sont pas plus démolies que les barbelés et les fantassins allemands sont toujours là. Mais la ligne des postes allemands n’est pas continue. La progression des légionnaires par bonds reste possible, même sous les feux croisés. Il s’agit de foncer, de passer entre les nids de résistance, de dépasser la ligne, de ne pas hésiter à les laisser derrière soi; un gradé reste là avec un groupe pour les attaquer à revers tandis que le reste continue en avant. Les pertes résultant de cette tactique, la seule possible en pareille circonstance (ou alors, renoncer), sont immenses. Entraînes par les légionnaires d’Afrique, les Grecs, les Polonais, les Tchèques, les Suisses et les Belges avancent derrières leurs drapeaux claquant au vent  chaque porte-drapeau, cible idéale, est plusieurs fois remplacé au cours de cette charge sous les balles.

 

La 2ème vague, le bataillon D se porte alors dans la tranchée d’attaque, dans l’ordre suivant: compagnie D4, compagnie D2, compagnie D3 et compagnie D1; il vient en soutien du bataillon C. Malgré la résistance des Allemands, malgré les feux croisés des mitrailleuses, l’attaque progresse vers les sommets de la cote 140. C’est un chemin semé de morts. Les légionnaires tombent à chaque pas. Le bataillon D se lance sur les traces des précédents, et marche vers leurs objectifs qu’ils atteignent quelques minutes après. Le bataillon D se charge du nettoyage et de l’occupation du terrain conquis avant de reprendre son ascension vers les crêtes. Les Allemands de la seconde position, cueillis à froid, se replient ou lèvent les bras; c’est la meilleure solution car ils savent que la seconde vague est celle des nettoyeurs de tranchées.

 

Le bataillon A suit le mouvement en troisième position et se porte dans la tranchée de la première ligne. Les fractions des bataillons commencent à se mélanger après avoir franchi l’ouvrage de Nuremberg où ils achèvent de briser les dernières résistances. Ils doivent obliquer un peu à gauche pour prendre la direction de la côte 140 en traversant la route d’Arras à Béthune. Deux sections de la compagnie de mitrailleuses accompagnent le bataillon A.

 

Vers 11 h, le commandant du bataillon B reçoit l’ordre de se porter en soutien des trois bataillons déjà engagés hors des tranchées d’attaque Dans l’ordre suivant: compagnie B4, compagnie B2, compagnie B3. La compagnie B1 reste en soutien dans les tranchées de 1ère ligne. Le Bataillon B progresse rapidement et atteint bientôt les Ouvrages blancs 

 

En 1h30 de combat, le régiment a remporté tous ses objectifs (Ouvrages Blancs - ouvrage de Nuremberg) et atteint finalement la route de Béthune puis la cote 140. Par manque de renfort, il ne parvient à se maintenir que deux heures sur ce dernier objectif et est contraint de se replier sur la cote 123 qu’il tiendra jusqu’à sa relève le lendemain matin.

 

Les pertes lors de l’affrontement sont considérables: 1 889 hommes, soit près de 50% des effectifs, sont hors de combat (tués ou disparus: 20 officiers et 933 hommes de troupe - blessés: 28 officiers et 956 hommes de troupe). Le tribut des officiers est éloquent : le chef de corps est blessé tandis que 3 chefs de bataillons sur quatre ont été tués. On déplore également la mort de l’ancien chef de corps, commandant de la 1ère Brigade de la Division marocaine.

Tranchées dites les Ouvrages blancs, du au sous-sol crayeux


Carré militaire d'Aubigny-en-Artois

Tombe de Jacques Pierre PONT

 

On ne sait pas à quel bataillon appartenait Jacques Pierre PONT, mais il est blessé lors de cette attaque du 9 avril en montant à l'assaut des Ouvrages blancs . Il est transféré vers Hôpital d'évacuation HoE 5/2 situé à Aubigny-en-Artois où il décède des suites de ses blessures, le 14 avril 1915.

 

Il est inhumé dans le Carré militaire d'Aubigny-en-Artois dans une tombe individuelle n° 238 rang 4.

 

Il sera honoré de la médaille militaire et de La Croix de guerre (avec étoile d'argent) à titre posthume.

 

Son décès est transcrit dans les registres d'état-civil de la commune où réside sa mère : Nanterre (Département de la Seine à l'époque, aujourd'hui des Hauts de Seine)

Son nom, sans aucun prénom, est gravé sur le monument aux morts de la commune de Nanterre (92) et sur le l'anneau de Mémoire de N.D. de Lorette (Ablain- St Nazaire - Pas de Calais)

 

J.O. du 24 mai 1922