Auguste Bernard JORDY (1894/1918)

fantassin durant l'hiver 1914

 

fantassin en 1917

Fils de Simon (né à Trèbes) et de Nathalie Antoinette SEVERAC (née à Floure), domiciliés à Trèbes à partir de 1905, Auguste Bernard JORDY est né le 28 août 1894 à Fontiers d’Aude.

 

Résidant à Trèbes depuis 1905 et encore en 1914, à l’époque de son conseil de révision, il exerce le métier de cultivateur, et il est célibataire.

 

Lors du conseil de révision de sa classe, vers mars 1914, à Capendu, il est jugé apte. Son n° matricule au recrutement est le 594 / Narbonne 1914.

 

Il décède le 24 avril 1918 à Hailles (Somme).  Il n'a que 23 ans 


Il est incorporé le 5 septembre 1914 au 141ème R.I. dont les casernements et le dépôt sont à Marseille, Salon et St Chamas. Il appartient 58ème B.I. (29ème D.I. du 15ème CA).

 

En 1914, au début du conflit, le 141ème R.I. est envoyé en Lorraine. Lorsqu’Auguste rejoint son régiment après une courte formation, il le retrouve en Argonne.

 

Suite à la bataille de la Marne et au repli allemand, celui-ci arrivé sur sa position de repli du ruisseau de Forges, tient tête à partir du 17 septembre. Tous les assauts pour le déloger de cette position furent vains. Le 141ème R.I., ramené à Chattancourt, est engagé à la cote 304, enlevée à l’ennemi. Il l’occupe du 17 au 22 dans des conditions climatiques extrêmement pénibles. Le 22, il est ramené à l’arrière et reçoit l’ordre d’occuper Avocourt le 23.
Il arrive dans la localité au moment où l’ennemi, débouchant du bois de Cheppy, marchait vers le sud. Des combats opiniâtres sont livrés par le 2ème bataillon et par le 1er bataillon autour du cimetière d’Avocourt qui reste finalement en possession des français. L’ennemi, battu, renonce à déboucher du bois de Cheppy.

 

Auguste JORDY semble rejoindre son régiment en octobre. Jusqu’au 18 février 1916, le 141ème, opérant entre Argonne et Meuse, assure successivement la défense des secteurs d’Avocourt, de Malancourt, de la Cigalerie, du Mamelon Blanc, (sud de Vauquois), d’Haucourt. Période d’improvisation et d’organisation au cours de laquelle les Poilus supportèrent stoïquement, dans la boue glacée des pays de la Meuse, les souffrances les plus dures.

 

L’absence d’abris, la difficulté des relèves, un froid rigoureux, tout semble accumulé par la nature pour dresser des obstacles à l’existence de soldats habitués aux climats chauds. Ce n’était pas tout. Il fallait déjouer les entreprises d’un ennemi tenace et perfide. 

Le  340ème R.I., réserve du 140ème R.I., est habituellement stationné avec son dépôt  à Grenoble et appartient à la 127ème B.I. (64ème D.I.) constitué de 3 bataillons depuis juillet 1916

 

Auguste retrouve le secteur de Vauquois puisque le 340ème s’y trouve depuis janvier 1917 et il y reste jusqu’à septembre (ferme de la Hardonnerie, Avocourt).

 

Le 28 octobre 1917, la 64ème Division d'Infanterie reçoit l'ordre de s'embarquer à destination de l'Italie en passant par Lyon puis Vintimille pour faire partie de l'Armée Française d'Italie. La Division doit être portée par étape dans la région de Vicence en vue de mettre le secteur au nord de Vicence en état de défense. Les troupes sont sur place le 19 novembre. Le 2 décembre la Division quitte la région de Vicence pour se porter dans la région d'Asolo où elle arrive le 5 décembre. Le 5 janvier, la Division est mise à la disposition du Général commandant le 31ème Corps d'Armée pour effectuer la relève de la 47e Division d'Infanterie sur le front Tomba – Monfenera. La relève des Bataillons de Chasseurs à Pied de la 47ème Division d'Infanterie commence dans la nuit du 6 au 7 janvier, jusqu'au 12 janvier 1918.

 

A cette date, la Division occupe le secteur du Tomba. Les relèves sont prévues tous les 18 jours, chaque régiment étant au repos en réserve de Division d'Infanterie pour 9 jours.    

 

La 64e Division d'Infanterie ne restera dans le secteur du Tomba que jusqu'au 11 février, elle sera alors relevée par la 46ème Division d'Infanterie.

Le 27 février 1915, le 2ème bataillon mena, au bois de Malancourt, une brillante contre-attaque, qui lui permit de reprendre tout un système de tranchées, perdues la veille par des troupes amies.  La 6ème compagnie, et la 8ème, s’élancent à l’attaque et s’emparent des objectifs désignés, brisent les contre- attaques ennemies, gardent tout le terrain conquis.

 

Par la suite, il participe aux offensives d'Argonne à Vauquois, puis reste dans le même secteur jusqu’à février 1916 (la Cigalerie, le Mamelon Blanc, sud de Vauquois).

 

Auguste est réformé temporairement le 8 décembre 1915 par la commission «pour blessure à la main par fil de fer barbelé». Il est maintenu dans cet état de réforme par la commission en mars 1916.

 

Auguste JORDY est rappelé le 23 novembre 1916, après guérison et réaffecté au 141ème R.I., le 9 décembre 1916. Il n’y reste que peu de temps et passe le 1er février 1917 au 340ème  R.I., où il arrive le 16 mars 1917.    

 

 

Italie


Sur cette période, nous disposons un témoignage intéressant :

" Le secteur tenu est un secteur de montagne. Les premières lignes sont à plus de 700 m au-dessus du niveau de la mer et à environ 500 m au-dessus de la plaine qui s'étend au Sud. Ce secteur vu de l'arrière présente l'aspect d'un glacis sillonné de nombreux ravins orientés dans la direction Nord-Ouest – le Sud-Est ; ces ravins sont les lits de torrents dont la plupart sont presque complètement à sec pendant plusieurs mois, sauf le cas d'orages. Le massif Monte Tomba – Monfenera est le dernier sommet alpestre devant la plaine. A l'Est, le secteur du régiment descend en pente douce jusqu'au Piave qui se faufile sur d'immenses grèves de cailloux dont la largeur atteint à certains endroits 2 kilomètres. À la hauteur du secteur tenu par le régiment, le Piave prend une direction Ouest – Est. À partir de ce moment, le Piave délimite les 2 fronts. Les premières lignes sont situées sur la crête du Monfenera, la tranchée de première ligne et celle de la ligne de soutien sont jusqu'au 30 décembre 1917, au pouvoir des Autrichiens et notre première ligne à cette époque était constituée par les tranchées placées un peu à contre-pente des lignes ennemies, l'attaque française du 30 décembre 1917, nous a donné la crête et les Autrichiens abandonnaient les pentes Nord du Monte Tomba - Monfenera, pour se reporter en arrière à la vallée de l'Ornic.

 

Les tranchées occupées par le régiment sont continues, mais peu profondes pour les premières lignes en raison de leur occupation récente ; leur aménagement est à faire dans un sol rocheux d'un travail difficile ; pas d'abris ; les tranchées situées sur le Monfenera sont vues des observatoires ennemis; on doit par suite éviter le mouvement et la circulation pour éviter les bombardements. Néanmoins, le régiment travaille activement à l'organisation du secteur, en faisant le plus possible usage du camouflage des travaux, camouflage que la neige facilite d'ailleurs.En raison du recul des Autrichiens, des patrouilles de sécurité et des reconnaissances sont faites chaque nuit par les 2 bataillons de premières lignes ; les patrouilleurs sont vêtus de vêtements blancs pour les rendre moins visibles en raison de la neige.

 

Malgré l'avantage résultant de l'occupation de la crête de Montfenera, nos arrières sont vus de certains observatoires autrichiens placés soient au Nord-Ouest, soit au Nord-Est. La conséquence en est de fréquents bombardements (tirs de harcèlement) nocturnes sur les routes, notamment la grande route Passagno – Pederobba et sur tous les carrefours de Caniezza – Pederobba, Pieve ; le carrefour de Vettorazzi est principalement battu. Les instructions sont données en conséquence pour éviter autant que possible ces routes et ordre est donné de passer plus au Nord en utilisant le chemin chariotable qui longe les premières pentes..

 

Les convois sont laissés à Castelcucco, le ravitaillement se fait par voiture jusqu'à Virago où est stationnée une partie de la compagnie muletière ; là, déchargement et transport à dos de mulets, transports difficiles en raison de l'obscurité, des chemins et souvent de la neige.

Les bataillons installent leurs cuisines roulantes dans les ravins, le plus près possible de leurs unités, de là, la nourriture est montée aux tranchées durant la nuit et à dos de mulet pris dans les relais de bataillon. L'emplacement des cuisines est choisi aussi près que possible des points d'eau, assez rares d'ailleurs. Pendant son séjour en secteur, le régiment étudie et commence l'installation de cuisines fixes, conformément d'ailleurs aux ordres du Général Commandant l'Armée. En attendant leur fonctionnement, le lieutenant-colonel recommande pour les unités en premières lignes l'essai de la combinaison : alcool solidifié – bois calciné d'avance, l'emploi de dispositif de tamisage de fumée (grands Cassius percés de nombreux petits trous) car faire du feu sans précaution est déraisonnable et dangereux, mais avec toute la série de précautions nécessaires, il n'y a plus d'inconvénients, reste seul, le grand avantage de pouvoir réchauffer les aliments, chose indispensable pendant les séjours en montagnes."

 

Au 1er février, le 6ème bataillon du 340ème RI était donc dans le quartier de droite du sous-secteur centre du secteur Tomba – Monfenera en liaison avec le 5ème bataillon du 340ème RI à sa gauche et le 1er bataillon du 138ème RI à sa droite.

 

Ce quartier se situe le Monte Monfenera et le Monte la Casella, là où le soldat DUMOULIN est tué le 1er février 1918 à 11h00 dans des circonstances inconnues. La seule trace d'action dans les JMO se trouve dans celui de l'Infanterie Divisionnaire de la 64ème DI : "Une embuscade tendue par le 340ème RI est éventée par les chiens patrouilleurs autrichiens.", mais aucun détail précis. 

 

La division se rend ensuite à Schio en février, et à Vérone en mars.


Retour en France

 

Le 340ème R.I. sera de retour, en France, sur le front de la Somme, dans le secteur de Moreuil, autour du 1er avril 1918.

 

A partir du 6 avril, le régiment est engagé dans la seconde bataille de Picardie.

 

 

Le 16 avril - Le 340ème RI est en réserve du corps d’armée 

- le 4ème bataillon (celui de A. Jordy) dans la région de Fouencamps,

- le 5ème  bataillon dans la région de  Cottenchy

- le 6ème  bataillon dans la région de Dommartin.

En conséquence, le 5ème bataillon quitte ses emplacements à 1 h. et se porte dans le bois à 1200 m à l’ouest de Dommartin. Ce bataillon met à disposition du Génie 200 travailleurs pour assurer l’entretien de la route Cottenchy – Estrées sur Noye.

 

L’état-major et la compagnie hors rang quitte leurs emplacements à 4 h. et se porte à Cottenchy.

 

Le 18 avril: le 6ème  bataillon est mis à la disposition de la 18ème DI pour le transport de matériel et de munitions.

 

Le 19 avril : le J.M.O. indique "rien à signaler. "   

 

 

23 avril : Les allemands préparent un coup de main pour effectuer une percée sur le front de l’Avre. Bombardement assez violent de part et d’autre. Pertes: 3 tués, 9 blessés, 1 intoxiqué.

  

24 avril: Tentative allemande d’effectuer une percée sur l’Avre. Les lignes françaises sont violemment bombardées depuis l’Avre jusqu’à l’extrême droite du 5ème bataillon (route Rouvrel–Castel), particulièrement intense sur la lisière sud et la corne N.E. du bois de Sénécat

 

Dès 4 h, toutes les communications téléphoniques sont coupées et un brouillard très épais empêche d’apercevoir les fusées de demande de barrage. À 5h30, l’ennemi déclenche une attaque par vagues successives d’infanterie sur nos premières lignes, attaque qui s’étend également sur la rive droite de l’Avre. Le barrage est demandé à 6h20 par TSF à l’artillerie et à l’infanterie divisionnaire (il se déclenche à 7h15). A 6h20, Un blessé du 4ème bataillon rend compte que l’attaque continue et que les Allemands se sont emparés de notre première ligne depuis la corne nord-est du bois de Sénécat jusqu’à l’Avre. Ordre est donné au 4ème bataillon d’occuper immédiatement ses positions de combat de la côte 93 à la côte 82, C’est effectué à 6h50.

 

À 7 h, la situation devenant très critique, des renforts sont demandés d’urgence à notre infanterie divisionnaire. Les 13ème et 14ème compagnies reçoivent l’ordre de se porter à la gauche de la 23ème compagnie et d’arrêter la progression ennemie. La 14ème compagnie renforçant la 23ème compagnie à la corne du bois Sénécat. À 7h45, la 15ème compagnie qui occupe la cote 82 est débordée à sa gauche, une contre-attaque rejette la fraction ennemie sur les pentes est de la côte.

 

À 8h45, les allemands réussissent à prendre pied sur la côte 82 elle-même, ils en sont rejetés à 9h15 par une brillante contre-attaque de la 15ème compagnie (celle d’Auguste Jordy). Les vagues des ennemis qui se sont portés à plusieurs reprises à l’assaut de notre ligne vers la droite ont dû refluer devant les tirs de mitrailleuses et les feux de mousqueterie du 5ème  bataillon.

 

À 9h45, un bataillon du 339ème RI arrive en renfort et reçoit l’ordre de renforcer la 15ème compagnie, celle d’Auguste Jordy,  qui lutte pour conserver sa position de la côte 82 et qui se porte à la cote 93. 

 

À 10 h, la situation est la suivante le 5ème bataillon s’est maintenu sur ses positions; le 6ème bataillon n’a plus que la 23ème compagnie et quelques fractions des 21ème et 22ème compagnies. Il a pu, par plusieurs contre-attaques, empêcher l’ennemi de pénétrer dans le bois de Sénécat. Renforcé par la 14ème compagnie, il tient solidement et repousse toutes les nouvelles tentatives de l’ennemi. La 13ème compagnie mise à disposition du 6ème bataillon tient à gauche du bois jusqu’à la côte 82 à cheval sur la route Hailles–Castel. Le 4ème bataillon tient la cote 82 avec la 15ème compagnie et des éléments du 339ème RI.

 

L’ennemi est arrêté et épuisé, il ne renouvelle pas d’attaque. Le bombardement par obus de gros calibre et toxiques continue jusqu’au soir sur tout le front, particulièrement sur le bois de Sénécat.

 

À 16 h, le commandement du secteur est transmis aux 339ème RI, le 6ème bataillon passe en réserve.

 

À 20h, une nouvelle tentative de l’ennemi pour s’emparer de la corne Nord Est du bois de Sénécat est rejetée par une brillante contre-attaque de la 14ème compagnie. Les pertes de cette journée sont extrêmement importantes.

 

Elles comptent 30 morts, 116 blessés, 33 gazés et 323 disparus soit 502 hommes au total, dont Auguste Bernard JORDY.

Le 20 avril: le 5ème bataillon relève au cours de la nuit des bataillons du 32ème RI et du 77ème R.I. dans la partie comprise entre le carrefour du chemin de terre à 250 m au nord-ouest de la côte 104 (route Rouvrel / Castel) et la corne N.E. reste du bois de Sénécat.

 

Le 6ème bataillon relève au cours de la nuit du 20 au 21 un bataillon du 77ème RI dans le secteur entre la corne nord-est du bois de Sénécat et la route Hailles-Castel.

 

21 avril: 2 compagnies du 6ème bataillon relèvent au cours de la nuit du 21 au 22 avril le bataillon du  339ème  RI,  situé à sa gauche.

 

Le 4ème bataillon (celui de A. Jordy) se portent dans la nuit du 21 au 22 à ses emplacements vers la cote 93.

 

22 avril : le J.M.O. ne signale rien de particulier à signaler. On note pourtant des pertes: 19 tués, 13 blessés, 24 intoxiqués.

Bois de Sénécat


extraits du JMO du 24 avril 1918

 

Auguste Bernard JORDY, appartenant à la 15ème compagnie est tué à l’ennemi dans le bois de Sénécat, cote 82, commune de Hailles, dans la Somme (80405), le 24 avril 1918, constaté mort à 23h, il a 23 ans. Il sera cité à l’ordre du régiment et recevra une croix de guerre. Il est d’abord inhumé dans le cimetière de Cottenchy, puis dans la Nécropole Nationale de Montdidier, dans la tombe individuelle n° 373    

 

Son décès est porté dans le registre d’Etat-civil de la commune de Trèbes en date du 9 novembre 1918.

 

Son nom est gravé sur le Monument aux morts de Trèbes.    


extrait de la liste des pertes du 24 avril 1918