Zouave en 1915, l’uniforme folklorique a été abandonné.
René SIÉ en 1914, avec l'uniforme du 40° R.I.
René Lucien Adrien SIÉ, fils de François, petit propriétaire, employé du canal du midi, et de Marie Paule NAVALS, est né le 3 octobre 1894 à Trèbes. Il a résidé toute son enfance et sa jeunesse à Trèbes (maison éclusière près du barrage de . - 1906).
La commune de Trèbes, voisine de Carcassonne, au sud de la France, placée stratégiquement sur la route entre la mer Méditerranée et l'océan Atlantique, est connue depuis le néolithique. La ville se trouve, au confluent de l’Aude et de l’Orbiel, dans un couloir entre la montagne Noire au nord et les Corbières au sud-est, la plaine du Lauragais à l'ouest et la vallée de l'Aude à l’est. Sa superficie est de 16 km² ce qui en fait l’une des grandes communes de l'Aude. Ses voisines sont Berriac, Bouilhonnac et Villedubert. Elle compte 2000 hab. en 1914.
Lors du conseil de révision en février 1914, il déclare être célibataire, exercer le métier de cultivateur et résider chez ses parents à Trèbes. Son n° matricule au recrutement est le 615 / Narbonne. Il est ajourné pour faiblesse et maintenu ajourné lors du Conseil du 26 juin 1914.
Il décède le 16 octobre 1916, en Macédoine orientale.
René SIÉ est finalement incorporé le 18 décembre 1914 au 40ème Régiment d’infanterie, dont le dépôt se trouve à Nimes. Il appartient à le 59ème brigade (30ème division d’infanterie). Il est d’abord en formation, puis reste ( ? à vérifier) aux services intérieurs du régiment.
Un texte que René aurait pu écrire, s'il est monté au front …
«Chaque jour on va faire un peu d'exercices. Les boches bombardent le Mort-Homme et la Côte de l'Oie avec des obus de 305. Le 23 janvier, on remonte aux tranchées au secteur C. On a un petit abri par escouade, il fait froid, mais on peut allumer un feu avec du charbon de bois que l'on touche à l'ordinaire. Il pleut: voilà ce temps-là qui dure depuis un mois. Le 27 janvier, on est relevé et l'on va au repos. Le patelin est encore assez joli et il fait quelques jours de beau temps. On commence à trouver à acheter quelques choses pour manger. Le 31 janvier, on va relever le secteur C, toujours à la même place. Le temps semble vouloir se mettre au beau, mais messieurs les boches commencent à nous bombarder. On travaille beaucoup pendant la nuit et le jour, on reste tranquille.
Le 4 février (1915), on est relevé. On se rassemble à la sortie du village de Béthincourt et l'on va au repos. Chaque jour, on va faire un peu d'exercices.
Le 8 février, on va relever le 40ème au secteur des Forges sur Meuse. Là, on y passe quelques jours de bon temps car on a de bonnes cabanes où l'on peut faire du feu pour avoir la soupe chaude, quand elle arrive. Le 12 février, on est relevé et l'on va au repos, cette fois on reste 6 jours au repos. Le 17 février, le 40ème attaque devant le Bois des Forges où il enlève un petit bois appelé bois de la Hache et fait quelques prisonniers.
Le 18 février, au soir on va les relever. Le 21 février, un ordre arrive: on doit doit aussi attaquer le saillant de tranchée qui se trouve à gauche du bois de la Hache. À 13h, le bombardement commence. À 15 h, les sections du 3ème bataillon montent à l'assaut, mais elles ne peuvent pas atteindre la tranchée car le fil de fer n'est pas coupé et ils ne peuvent pas passer. Ils sont obligés de se coucher à plat ventre devant le réseau de fils de fer. Ils se mettent rapidement au travail avec des outils portatifs pour se faire des petits abris. Mais les sales boches, de leurs créneaux, les fusillent à bout portant. Pendant que ces pauvres gars montaient à l'assaut, ma compagnie faisait une vive fusillade pour faire un simulacre d'attaque. C'est le seul jour où j'ai tiré tant de cartouches depuis que je suis arrivé. Le 24 février, on est relevé et l'on va au repos: matin et soir on va faire des exercices. On préfère être aux tranchées qu'au repos.
Le 2 mars, on va relever au secteur A B, on se traîne presque toute la nuit dans les boyaux pour trouver notre emplacement. C'est à 3 h que l'on trouve la tranchée située en 2ème ligne dans un ravin où les boches chaque jour nous bombardent avec des obus de 77. Un jour on est même obligé de se sauver. Le 8 mars, on va au repos mais le soir, on va faire des tranchées et placer des fils de fer au Mort-Homme. Le jour, on passe le temps à se nettoyer. Le 14 mars, on va à Forges sur Meuse, et l’on est content d’y aller car on peut manger la soupe à l’ombre des pruniers. Le 16 mars, on va aux tranchées du Moulin de Raffécourt, le secteur n’est pas très bon, mais on commence à avoir des abris. Par contre, on peut aller au village de Béthincourt en plein jour. Le 20 mars, on va au repos, il fait beau temps. Le 24 mars, on remonte aux tranchées du bois de la Hache qui sont des tranchées boches qui ont été prises par le 40ème.
Le 28 mars, on va au repos, cette fois on nous habille de neuf et l’on nous change les capotes bleues par des grises. Le 1er avril, on va secteur C devant le moulin de Raffécourt: pendant ces 6 jours la pluie n'a pas cessé de tomber et l'on commence à faire 2 repas par jour. Les boyaux sont finis et l’on peut aller en plein jour au village de Béthincourt où les cuistots font la cuisine. Le 6 avril, on est relevé et l'on va au repos. Le 7 avril, on reçoit un renfort de la classe 15. Chaque nuit on va faire des tranchées au Mort-Homme, tout le long de la route qui va de Cumières à Béthincourt. Le 12 avril, on va relever au moulin de Raffécourt; pendant ce séjour, il a fait beau temps. Le secteur commence à devenir mauvais; les boches nous bombardent avec des obus de gros calibres, le commandant est obligé de se sauver de son abri. Il vient se mettre à l'abri dans notre petit poste souterrain avec le capitaine de la 3ème compagnie. Le 18 avril, on est relevé. Ce soir-là on passe par le moulin de Raffécourt pour raccourcir le chemin. Mais à peine on est à mi-côte du Mort-Homme, une fausse attaque se déclenche, les balles sifflent. Mais, au bout d'une demi-heure, le calme se remet. On rentre tranquillement dans le village de Cumières où l'on doit cantonner. Mais on nous met en cantonnement d'alerte et défense de démonter le sac. Chaque jour on va faire de l'exercice, mais cela ne nous fait rien car il fait beau temps. Le 24 avril, on va relever pour la seconde fois au village de Forges. C’est un bon secteur qui nous donne l’impression d’être de repos. Déjà le bruit court que l'on va être relevé de ce secteur.
Le 30 avril, on est relevé par le 40ème et l'on va à Cumières. Après quelques jours de repos, on nous dit que l'on est relevé par le 164ème.»
front belge
Les 7 et 9 novembre, il est embarqué à bord du «Lutétia» et du «Burdigala» étant mis à la disposition de l'Armée d'Orient, afin d’aider la Serbie, de raffermir la Grèce et de tâcher d'arrêter la Bulgarie. En route, le Régiment apprend qu’il doit débarquer à Salonique. La traversée se fait sans aucun incident, pas de sous-marin ennemi en vue. A peine débarqué, le Régiment se regroupe au camp de Zeitenlick, à l’est de Salonique «le site le plus malsain de l'endroit, terrain désertique, semi-marécageux, bossué, sans un arbre» est bientôt aménagé par les Zouaves, et ceux-ci peuvent enfin y trouver un peu de confort.
Le 5 novembre, le 2ème bis RMZ comprenait 69 Officiers, 206 Sous‑Officiers, 241 Caporaux, 2.667 Soldats. Avec les 4ème, le 8ème Régiments de Chasseurs d'Afrique et un groupe d'Artillerie à cheval, il constitue une Brigade mixte.
Le "Mort-Homme"
Le 7 juin 1915, René Lucien est affecté au 2ème régiment de Zouaves, puis le 18 dans un régiment nouvellement créé à partir de plusieurs autres régiments, le 2ème bis régiment de marche de zouaves (RMZ).
Vers le 15 juin, la 45ème Division, à laquelle appartient le 2ème bis zouaves prend position dans le secteur de Boesinghe (Flandres belges). Ce secteur s'étend de l’ouest du canal de l’Yser en liaison au sud du pont du Chemin de fer de Boesinghe et à l'écluse de Steenstraat. Pendant quatre mois, le régiment devait garder ce secteur. Cette période fut une période de travail intense. Peu à peu le secteur s'organise: des boyaux, des abris sont créés; tous ces travaux, qui coûtent tant de peine, permettent de supporter avec des pertes réduites, les bombardements de plus en plus violents. Des lance-bombes sont installés; ils sont servis moitié par les Zouaves, moitié par les Artilleurs qui rivalisent d'entrain pour démolir les tranchées ennemies. Cette vie de tranchée fourmille d'actes d'héroïsme modestes et cachés, de souffrances profondes, physiques et morales.
Au cours de celte période, le Président de la République remet son drapeau au 2ème bis Régiment de Zouaves pendant une revue à Westvleteren.
Le Régiment était au repos dans la région de Rexpoede (Belgique) quand, le 5 novembre 1915, il est transporté en train.
<<<<<<< Garde au drapeau par une escouade en tenue d'apparat
camp de Zeitenlick
Au cours du séjour à Kukus, où jusqu'en février, le régiment organise des positions défensives, un bataillon est chargé de faire sauter le pont de chemin de fer de Demir-Hissar, reliant la Grèce à la Bulgarie. Cette opération est menée à bien malgré l'opposition d'un bataillon grec. Vers la mi-février, le Régiment est chargé de l'organisation du secteur sud du front du Vardar. Il fait alors partie du détachement du Bas-Vardar qui comprend le 2ème bis de Zouaves, 2 bataillons du 1er régiment serbe, un régiment de chasseurs d'Afrique et un groupe de 75. La vie de secteur reprend, mais tout est à créer, tout est à organiser et les moyens manquent. Le régiment se met à l'oeuvre; les travaux consistent dans l'aménagement des voies de communication faites de digues permettant de circuler en tous temps à travers les marécages. Des réseaux de fils de fer sont installés, ainsi que des casemates de mitrailleuses, puis une seconde ligne de résistance est aménagée.
Jusqu'au 1er mai 1916, le Régiment assure la défense de ce secteur et travaille sans relâche sous des pluies battantes et pataugeant dans la boue. Nombreuses sont les atteintes de paludisme, de dysenterie, de gelures de pieds. Lorsque le régiment quitte le front du Vardar, les chefs tiennent à le féliciter.
Après un séjour d'un mois à Salonique, le régiment gagne par étape la région nord de Sérès. Il se trouvait stationné à Kérakli lorsque, le 17 août au matin, les Bulgares, descendant les pentes du Demir-Hissar, attaquent. Le 19 août, le régiment reçoit l’ordre de se porter en avant et d’atteindre la voie ferrée de Sérès. Le 20 août, à 4 heures du matin, il franchit la Struma et progresse vers ses objectifs. L'action se déroule par une chaleur accablante et se heurte à des effectifs considérables appuyés par une artillerie puissante. Le soir, le régiment est contraint de se replier derrière le fleuve, ayant obligé l’ennemi à mettre en ligne près de 2 divisions et à dévoiler ses projets. Le régiment est cité à l’ordre de la brigade. Quelques jours plus tard, il rentre à Salonique.
Les troupes alliées restent d’abord sur la défensive, puis le 10 septembre 1916, Sarrail déclenche une offensive sur Florina, qui sera prise le 17. Le 24 septembre, le 2ème bis RMZ qui fait parti du détachement franco-russe est dirigé sur Florina et, après un combat d’avant-garde, rejette les bulgares du village d’Armehor. Mais les attaques lancées par les Alliés se heurtent aux lignes bulgares.
Le 5 octobre, l’ennemi talonné semblant se replier vers Négocami, le lieutenant-colonel, impatient d’avoir des renseignements, se porte en avant. Arrivé au PC du 4ème régiment russe, il est tué par un obus. Le 8 octobre, sous les ordres de son nouveau chef, il relève en première en ligne les régiments russes et repousse l'ennemi les 13 et 14 octobre.
Les combats (échanges d’artillerie) continuent les 15, 16 octobre. Le zouave de 2ème cl. de la 6ème compagnie René Lucien SIÉ est tué lors d’une tentative de coup de main des soldats bulgares.
Seuls les Serbes parviennent à s’engager dans la boucle de la Cerna, puis prennent Monastir (actuelle Bytolia en Macédoine) le 19 novembre. Malgré des renforts, les forces alliées dont le 2ème bis RMZ ne parviennent pas à percer le front. En raison de leurs pertes, les Alliés cessent l’offensive et s’engagent dans une guerre de position.
Le 23 octobre, le 2e Bis RMZ quitte la division franco-russe pour suivre une nouvelle destination.
Le séjour au Camp de Zeitenlick devait se prolonger jusqu'au 1er décembre 1915. Les jours suivants, le régiment gagne par étapes Amato-Karasuli et Gjevgjeli où il construit une voie de communication sur la rive est du Vardar entre Gjevgjeli et la route de Monastir. Cette route est destinée à doubler la voie ferrée pour assurer les communications entre Salonique et les divisions engagées sur le front.
Puis la marche en avant commence, bientôt la rivière du Vladaja est atteinte; le Régiment s'y organise défensivement. Les quelques éléments français tiennent tête à la poussée bulgare. L'Armée française n'a subi aucun échec, mais elle est aventurée et son aventure devient sans objet, par suite de la retraite de l'Armée serbe qui prend le chemin de l'Albanie. Le 14 décembre, le Régiment reçoit l'ordre de se replier sur Salonique, par la route de Kilindir, Kukus, Sarigol.
La mauvaise saison est venue, la pluie transforme les plaines en fondrières où les attelages s'enfoncent jusqu'aux genoux, les canons jusqu'aux essieux. Le vent du Vardar souffle un froid précoce et les Zouaves n'ont d'autre abri que la toile de tente individuelle. L'Armée d'Orient a franchi la frontière grecque, l'ennemi ne l'inquiète plus.
L’armée bulgare ne franchit pas la frontière, mais Salonique reste toujours convoitée. Les difficultés de toutes sortes soulevées par l'État-major et les royalistes grecs sont surmontées. La révolution grecque éclate et bientôt l'Armée grecque, après avoir été réorganisée par Venizélos, se range aux côtés des alliés. Dans les premiers jours de mai, le régiment gagne par étapes la région de Florina, puis la vallée du Genis-Deré, avec mission d'interdire la contrebande de guerre et de rendre praticables les pistes qui, de Vertekop, se dirigent sur Dragomanci en remontant la vallée du Genis-Déré. Les pistes Dragomanci, Kosturjan, Subosko sont ensuite aménagées.
Au cours de cette période, le commandement fait appel aux qualités offensives des Zouaves. Diverses reconnaissances sont faites: étude des communications vers la région d'Ostrovo dans la haute vallée du Brod et d'autre part, vers la région de la Cerna, à travers le massif de Starkov-Grog. Puis c'est ensuite l'étude des liaisons entre la région de Vodena et les vallées du Génis-Déré et de la Moglénica. Ces opérations ne sont pas faciles. Chaque jour des espions sont découverts et fusillés. Pendant cette période, l'armée serbe se réorganise à Corfou avec l'aide de la France et bientôt une division serbe, nouvellement débarquée, vient reprendre sa place aux côtés des détachements alliés. Cette unité s'établit dans la région de Moglénica, et a pour mission d'interdire à l'ennemi les voies d'accès conduisant à Monastir. Le 2ème bis de Zouaves relevé par cette division se rend au Camp Zeitenlick où il est mis au repos. Avant son départ le régiment est cité à l’ordre de la brigade.
Entrée des troupes françaises à Monastir
René Lucien SIÉ est tué à l'ennemi le 16 octobre 1916, aux abords de SVETTA PETKA (Macédoine orientale, à la frontière bulgare), il vient d’avoir 22 ans.
Extrait du JMO du 2ème bis RMZ
Les autorités militaires ne semblent pas connaître son lieu de sépulture. Comme beaucoup, son corps n'a probablement pas pu être ramené, puis oublié dans le no man's land entre les deux camps. Plus tard, s'il a été retrouvé, il n'a pu être identifié et anonyme placé dans une tombe anonyme, une fosse commune, un ossuaire.
Son décès, qui est porté dans le registre d’état-civil de la commune de Trèbes, le 4 décembre 1921, suite à un jugement du tribunal de Carcassonne en date du 23 novembre 1921.
Son nom est gravé sur le Monument aux morts de Trèbes.
Il est cité à l’ordre de la division dans l'Ordre du jour général du 22 novembre 1916 et est décoré à titre posthume de la « Croix de guerre avec une étoile d’argent.